Lettre d’info été 2007

Bonjour,

L’air du temps n’est pas à l’internationalisme. Pourtant nous vivons tous sur la même planète, le changement climatique, la faim dans le monde et le partage des richesses devraient nous concerner tous.
Alors parfois je me décourage devant les difficultés de motiver les gens – et de trouver quelqu’un qui me remplace dans mes fonctions pour ne pas devenir « présidente à vie » de INTI.
Vivement le jour où nos projets au Nicaragua avanceront sans notre appui. Pour l’instant – comme vous le verrez plus loin – ce n’est pas le cas.

Notre dossier de financement pour le fonctionnement du centre « Angelita Morales » a été refusé par le Conseil Général avec le motif : absence de perspective quant à la future pérennisation de la structure éducative aidée. Pourtant il nous semblait que permettre à 24 jeunes d’un bidonville de recevoir un enseignement scolaire et pré professionnel, ainsi qu’un soutien psychologique avait mérité un appui.

Alors, ensemble avec l’association « Mosaïque » nous organisons une soirée repas spectacle le 20 octobre à Villaroger.
Notre priorité est la recherche de fonds et donc nous ne nous impliquerons pas beaucoup dans la semaine de la solidarité internationale.

Nous avons aussi envoyé une demande de soutien financier à la Région Rhône-Alpes. Réponse : nous ne pouvons  pas donner une suite favorable, car nous n’avons pas de coopération avec le Nicaragua. Et plus loin « une convention de coopération décentralisée est un préalable indispensable » Et la commune de Bourg- St. Maurice ne montre aucun intérêt pour nos activités. Et voilà.

Il reste la vente des calendriers. Ils sont prêts. Heureusement il y a quelques comités et particuliers fidèles. Artisans du monde n’en prennent plus. Donc tout est très laborieux.
Le secrétaire de INTI, Philippe François, est actuellement au Nicaragua. Nous venons de recevoir ses « impressions » et les joignons à cette lettre. Nous aurons des nouvelles plus précises de nos projets à son retour fin août.

Vous trouverez en plus quelques informations sur la situation actuelle au Nicaragua, ainsi qu’un dossier résumé, produit par RISAL, concernant les « biocarburants »
Une fois de plus on va exploiter les pays du sud et favoriser les multinationales au détriment de la petite paysannerie et de l’autosuffisance alimentaire. On observe d’ores et déjà que le prix du maïs grimpe, alors que c’est l’aliment de base des pauvres en Amérique Centrale.
Et tout cela pour ne rien changer ici à nos habitudes de dépenses énergétiques.

Nous vous souhaitons un bel été et vous remercions pour votre soutien.


Ruth Mougel


P.S. Il paraît que les 500 € pour le micro-crédit, solde du prix de la solidarité octroyé en 2006 par le Conseil Général sont enfin débloqués (Joseph avait fait un long rapport complémentaire en début d’année) Ouf !

La situation au Nicaragua

Je me base sur quelques lettres d’amis nicaraguayens et sur l’opinion de la « Coordinadora Civil » (article paru dans ENVIO du mois de juin) pour décrire la situation actuelle au Nicaragua.

Plusieurs décisions du nouveau gouvernement se révèlent positives.

1 – La gratuité de l’éducation publique et de la santé

Le ministre de l’éducation Miguel de Castilla avait tout de suite annoncé la gratuité de l’éducation et la fin de l’autonomie scolaire. L’éducation gratuite et la scolarité obligatoire sont inscrites dans la Constitution Nicaraguayenne.
Toutefois cela suppose un budget que le pays n’a pas.
Supprimer du jour au lendemain l ‘apport des parents et la possibilité pour les enseignants de vendre des boissons, gâteaux, matériel scolaire etc. pour arrondir leur maigre salaire a été contesté et a provoqué de sérieux mécontentements et plusieurs manifestations. Il est reproché aussi au ministre l’absence de dialogue avec le corps enseignant et des licenciements arbitraires de directeurs d’écoles.
La majorité des établissements scolaires sont délabrés et c’est souvent la contribution des parents qui  permet les réparations et réfections.
Il y a 9 000 écoles au Nicaragua dont 7 776 dans les zones rurales. 63% des écoles n’ont pas l’eau potable, ni électricité. Plus de 400 000 élèves reçoivent l’enseignement assis par terre par manque de pupitres (selon le secrétaire général de ANDEN – le syndicat des enseignants) José Antonio Zepeda.
Finalement les enseignants ont obtenu une petite augmentation de salaires, toutefois celui-ci reste le plus bas de toute l’Amérique Centrale.
Nous n’avons pas pu obtenir de renseignements précis si les mesures prises par le ministre de l’éducation ont déjà permis une fréquentation de l’école plus importante.
De Castilla a annoncé qu’une grande part du budget sera destiné à réparer et à construire des salles de classe.
Gratuité des soins
Même si l’employeur n’a pas payé les cotisations de la sécurité sociale pour ses employés, ceux-ci peuvent malgré tout bénéficier des soins, alors que ce n’était pas le cas auparavant (lettre d’Eva)
À Chinandega, les personnes ayant une insuffisance rénale peuvent avoir l’accès gratuit à la dialyse.
(lettre de Rosario)
Le gouvernement construira deux hôpitaux de campagne à Waspan et Muelle de los Bueyes (région de l’Atlantique Sud) Les patients seront soignés par des médecins cubains et des médecins nicaraguayens qui ont fait leurs études à Cuba.
Trois hôpitaux spécialisés en ophtalmologie sont planifiés, dont un est déjà opérationnel à Ciudad Sandino. Dans celui-ci une brigade de médecins cubains opère chaque jour 60 cataractes.
Les deux autres hôpitaux seront à Bluefields et à Puerto Cabezas (régions de l’Atlantique)
Le Venezuela va faire une donation importante de médicaments dans le cadre de l’Alternative Bolivarienne des Amériques (ALBA) que le Nicaragua a signé le 11 janvier 2007.

2 – La création d’une banque pour la production agricole

Elle est en discussion, mais déjà ont été approuvés des crédits pour des organisations qui n’y avaient pas accès jusqu’à présent. C’est vraiment très important car beaucoup de paysans ont dû vendre leurs parcelles faute d’accès aux crédits.
Le Venezuela envoie aussi des fertilisants à des prix préférentiels.
Tout cela, ainsi que le programme « Hambre céro » (Faim zéro) bénéficie à la population rurale.

3 – La réduction des méga-salaires de l’Exécutif

Une des premières décisions qui furent prises : la réduction de plus de 50% des salaires du pouvoir exécutif. Le salaire du président passe ainsi de 10 000$US à 3 200. Les fonds ainsi épargnés vont au budget pour la jeunesse.
On attend encore que les autres pouvoirs de l’Etat suivent cet exemple.

4 – La nouvelle campagne d’alphabétisation

Cette campagne avait déjà commencé dans les municipalités sandinistes.

5 – La stratégie énergétique à moyen et long terme

Dans le domaine de l’énergie, il y a plusieurs projets ambitieux. Le Venezuela a envoyé les premières installations et l’on espère que d’ici à fin de l’année, le déficit énergétique sera réduit au minimum.
En attendant, il y a tous les jours des coupures de courant. Tous nos amis s’en plaignent.
C’est un problème ancien. Dans les années 80, la population connaissait au moins les horaires de coupures et pouvait s’organiser plus ou moins. Maintenant c’est imprévisible. La coupure peut durer 20 minutes ou plusieurs heures.
Un économiste a calculé qu’en deux semaines de coupures au mois d’août 2006, l’économie du pays a perdu 50 millions de $US.
En plus, même avec 8-10 heures de coupures par jour, les factures des consommateurs n’en sont pas moins élevées. Et ces variations de l’énergie endommagent les appareils électroménagers et autres appareils électriques.
Une raffinerie de pétrole sera construite dans le département de Leon dans le cadre de l’ALBA..
 Ce sera la plus grande de toute l’Amérique Centrale. Elle devrait permettre de couvrir les besoins du pays ainsi que de dégager un surplus pour l’exportation et ainsi de nouvelles ressources.


6 – L’augmentation du salaire minimum

Une augmentation de 18% a été votée. Mais cela ne couvre toujours pas la « canasta basica », c’est-à-dire le minimum des besoins quotidiens.

Par ailleurs, la droite se montre chaque jour plus agressive et les médias manipulent l’information, disent nos amis. Tous pensent que les prochaines années vont être difficiles et qu’il faudra travailler plus, être plus transparent et maintenir une bonne communication avec les gens pour faire connaître les avancées.

Nous avons relaté les avancées et bonnes intentions du nouveau gouvernement, mais il y a aussi des aspects qui nous inquiètent comme par exemple la création des « consejos del poder Ciudadano (Conseils du pouvoir citoyen). Pourquoi ?
Depuis octobre 1998, la société civile nicaraguayenne s’est organisée dans la « Coordinadora Civil ». Mireya Lindo qui gère le micro-crédit à la Casa Comunal de Chinandega en fait partie.
C’est une instance autonome de coordination et de concertation des secteurs de la société civile qui lutte pour la démocratisation, la juste redistribution des richesses, la participation citoyenne, la réduction de la pauvreté et contre la corruption, ainsi que contre la pénalisation de l’avortement thérapeutique. La Coordinadora civile fait aussi des propositions pour réformer la loi électorale parmi d’autres objectifs,
Elle est financée en partie par la Coopération Européenne.
Le 26 octobre 2006, plus de 16 000 personnes, convoquées par la Coordinadora civile, ont fait une manifestation pour exiger des candidats à la présidence d’être ferme devant le FMI, pour restructurer la dette interne afin de pouvoir résoudre les besoins dans les domaines de la santé et de l’éducation.
Elle lutte aussi pour une coopération décentralisée pour que les fonds ne se perdent pas dans les administrations des donateurs et du pays.
Elle questionne le gouvernement sur l’utilisation des fonds qui résultent des conditions favorables de la vente du pétrole par le Venezuela.
Bref, c’est une organisation vigilante qui demande la transparence et qui fait des propositions concrète.

Les « consejos del poder ciudadano » veulent quant à eux servir de liens entre les institutions de l’Etat et les citoyens. Une douzaine de personnes sont nommées par le gouvernement pour les différents secteurs : santé, éducation, production, culture, sport, économie, commerce etc. ce qui paraît faire double emploi avec les comités de développement municipaux.

Vient d’être créé aussi le Conseil National de Planification Economique et Social (CONPES) qui fut créé en tant qu’organisme de consultation du Président. Ortega a nommé 12 sandinistes pour le diriger, toujours sans dialoguer avec les associations existantes.
Ainsi, au lieu de fortifier une organisation qui fonctionne, on crée des instances nouvelles avec des liens partisans manifestes. En plus, le rôle et l’influence de Rosario Murillo, la femme de Daniel Ortega sont préoccupants.

En tout cas il n’y a pas une stratégie et un programme clairs pour les prochaines années et beaucoup de silences.