Le Nicaragua dans le viseur

Jorge Luis Ubertalli / Rebelión

Le Nicaragua dans le viseur

dimanche 1er janvier 2012

Le 20 mars 1929, en pleine bataille contre les troupes usaméricaines d’occupation de son pays, le Nicaragua, l’Armée Défensive de la Souveraineté Nationale (EDSN), avec la signature du « général des Hommes Libres », Augusto Calderón Sandino, proclamait le « Plan pour la Réalisation du Rêve Suprême de Bolivar ». A travers s’exprimait l’idée de Sandino s de constituer une Alliance des 21 républiques indolatinoamericanas, pas préalable à une Confédération, qui avait pour objectif l’indépendance de Notre Amérique des EU et de toute autre puissance étrangère. Dans ce Plan, de 44 articles et une Conclusion, étaient prescrits, entre autres, des actions pour :

En finir avec la Doctrine Monroe

Former une nationalité latinoaméricaine

Créer une armée continentale de 5.000 membres comme base

Créer une Cour de Justice Latinoaméricaine ayant juridiction et compétence sur les différends existants ou à venir entre les pays de l’Alliance

Faciliter l’acquisition de droits, grâce au financement de banquiers latinoaméricains, sur le Canal de Panama, aux mains des EU.

Proposer le démantèlement de toute base des Etats-Unis ou d’autres puissances qui se trouvaient installées sur le territoire latinoaméricain et empêcher de futures installations

Considérer l’Alliance Latinoaméricaine comme l’unique institution autorisée à ériger une base militaire dans le Golfe de Fonseca et à posséder le paquet d’actions majoritaire lié à la future construction du Canal Interocéanique au Nicaragua.

La première réunion de l’Alliance, qui devait tenir l’année suivante à Buenos Aires, n’a pas réussi à se concrétiser. Sandino a été trahi et assassiné en 1934, à côté de deux de ses généraux, par le cipaye Anastasio Somoza García. Mais son rêve n’est pas mort. L’intégration indolatinoaméricaine modelée aujourd’hui dans l’ALBA, l’UNASUR et la récente création de la Communauté des États Latino-américains et Caribéens (CELAC) éclairent ce chemin tracé par Sandino.

Cependant le Nicaragua d’aujourd’hui, comme celui d’hier, libre dans la « Révolution Populaire Sandiniste », se trouve menacé par les mêmes flibustiers des Etats-Unis et leurs acolytes toujours prêts dans la région. L’option militaire, fondamentale dans la stratégie yankee pour le monde - Afghanistan, Irak, Libye et en perspective Iran et Syrie, entre autres - a son expression en Amérique Centrale à travers l’arrivée dans les administrations de la région de gouvernants qui renouent avec un passé dictatorial, agressif, génocide, de course aux armements et pro USA.

Le Honduras et après

Le coup d’État civilo-militaire de juin 2009 au Honduras a constitué un ballon d’essai pour une future militarisation et installation de « démocradures » et (ou) de gouvernements de marionnettes des EU dans la zone. Sans solution de continuité, aux Honduriens de Micheletti et à son successeur « démocratique » Lobo, ont succédé la présidente obéissante du Costa Rica, Laura Chinchilla, récemment le président élu kaibil du Guatemala, le général Otto Perez Molina, ajoutés au panaméen Marinelli et à celui du Salvador Funes - qui grâce aux pressions US change la direction de son gouvernement - encerclent un Nicaragua reconduit dans la foi sandiniste et alignée, à travers de l’ALBA, avec les gouvernements révolutionnaires et plus progressistes d’indoaméricalatina.

Au Guatemala, le général Otto Pérez Molina, formé à l’École des Amériques et au Collège Interaméricain de Défense (CID), accusé de génocide pendant le terrorisme d’État qui a atteint son plus haut sommet dans les années 80, a déclaré qu’il combattra le « trafic de stupéfiants » avec les Forces Spéciales (kaibiles) qui, précisément, composent les rangs du groupe de sicaires et de narcotrafiquants « Les Zetas » qui opèrent au Mexique, au Guatemala et qui s’étend comme un poulpe sur toute la région latinoaméricaine. Parallèlement, il a nommé au ministère de la Défense un ex-kaibil, le colonel Ulises Anzuelo, et aussi un ex-kaibil, Mauricio López, au ministère de l’Intérieur. Dans ce cadre de nominations, de mariages avec le Commando Sud des EU. (SOUTHCOM) - Pérez Molina et le chef du Southcom, Douglas Fraser, sont convenus de la participation des kaibiles et des Parachutistes dans la lutte contre le trafic de stupéfiants en même temps que, d’ améliorer les services locaux de renseignements et de « partage d’information » - et d’appels au combat contre la « délinquance », le Guatemala a décidé d’augmenter son budget d’armement. Six avions militaires brésiliens Super Tucano, des radars et des équipes pour le contrôle aérien font partie des investissements militaires prévus qui tournent autour de 166 millions de dollars, qui augmenteront d’ici peu de temps, aussitôt levé l’« embargo » d’armes imposé par les Etats-Unis en 1980. La dite « guerre contre le trafic de stupéfiants » a bon dos.

De son coté le président du Salvador,Mauricio Funes, a décidé de nommer comme ministre de la Sécurité, l’ex-ministre de la Défense, le général Munguía Payes, qui a participé de la guerre sale de l’Etat et des Etats-Unis menée contre des militants « efemelenistes » et le peuple en général au cours des années 80. L’arrivée de Munguía Payes au ministère de Sécurité augure d’ un retourde la participation des Forces armées dans la répression interne, situation critiquée par le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN), dont un des hommes, l’ex-commandant guerrillero Manuel Melgar, a dû démissioner de son poste occupé aujourd’hui par Munguía Payes à cause des pressions des Américains. Dans ce cadre, le Salvador, qui a augmenté son budget d’armement de 106 millions de dollars en 2006 à 133 millions de dollars l’année dernière, se trouve à la veille d’acquérir des lots de Super Tucanos brésiliens. En ce qui concerne le Honduras, on sait que le 1 er décembre le Congrès a donné le feu vert pour que les Forces armées puissent réprimer en interne au côté de la police grâce à la fusion des Ministères de la Défense et de la Sécurité, ce qui selon des analystes viole la lettre de 40 traités qui établissent que les deux ministères doivent être indépendants et être sous contrôle civil. A partir de cette date, les militaires pourront pratiquer des arrestations, des détentions et contrôle de véhicules, agissant dans le cadre du droit pour ce qu’ils faisaient de fait. Avec l’argument biaisé de combattre la « criminalité organisée » - trafic d’armes, assassinats et ‘lutte contre le terrorisme ’- les militaires catrachos, ceux qui ont réalisé le coup du 29 juin 2009, se consacreront à préserver l’ « ordre ». Dans ce contexte, marqué par la corruption policière - il y a un mois a été dénoncé la perte et la vente de 300 fusils et 3 000 cartouches appartenant aux forces spéciales ’Cobras’, de triste réputation pour ce qui est d’ avoir commis des crimes dans le passé et actuellement - les Forces armées du Honduras, dont le budget a augmenté de 63 millions de dollars à 173 millions en quatre ans (2006/2010), ont déclaré qu’elles achèteront en Israël et aux Etats-Unis de l’« armement spécial », comme les fusils d’assaut israéliens Tavor, M-16 des EU et des mortiers de ce dernier pays. En ce qui concerne la Force Aérienne catracha, elle compte depuis peu avec 8 petits avions usaméricains Maule pour l’entraînement de pilotes. Quatre d’entre eux ont été donnés par les EU, pays avec lequel « grandira la coopération militaire », selon le chef des Forces armées honduriennes, René Osorio Canales, en symbiose avec le chef du SOUTHCOM, le général Douglas Fraser, qui a assisté à la remise des avions. On peut souligner, d’autre part, que le Honduras dispose de la Force Aérienne la plus puissante de l’Amérique centrale, formée de 11 chasseurs de bombardement F-5E Tiger II, refaits à neuf,et 4 A-37 B d’attaque ; 1 hélicoptère IAI Arava 121 (Israélien), 5 hélicoptères Bell 412-SP (Etats-Unis) et d’autres pièces israéliennes, étasuniennes et brésiliennes. Le Panama a investi pour sa part, il y a quelque mois, 23 millions de dollars dans des équipements pour 11 stations garde-côte, établies pour « combattre le trafic de stupéfiants ».

« Il y a des maures armés sur la Costa … » Rica

Bien que, ne disposant pas de Forces armées formelles depuis la fin des années quarante du XXeme siècle, le Costa Rica n’est pas précisément un coin pacifiste. A peine arrivée la nouvelle présidente Laura Chinchilla en 2009, 10 000 soldats d’infanterie de marine et 48 bateaux de guerre US sont arrivés au pays pour aider à « combattre le trafic de stupéfiants », malgré les protestations des partis et des députés de l’opposition. Dans le même contexte, des policiers et des militaires costaricains, armés de mitrailleuses et d’autres matériels de guerre, se sont présentés à la frontière avec le Nicaragua, matérialisée par la rivière San Juan, où dès le XIXe siècle on a projeté de construire un canal interocéanique, créant un différend qui est arrivé jusqu’à La Haye. À la fin de novembre de cette année, et toujours avec l’excuse de « combattre le trafic de stupéfiants », le gouvernement costaricain a militarisé la frontière avec le Nicaragua, en même temps qu’il a autorisé la construction d’une route de 140 kilomètres le long de la bande costaricaine de la dite rivière qui modifiera l’écosystème et provoquera - comme il le fait déjà - de grands dommages à la navigation et aux habitants nicas de cette voie fluviale. Des 50 millions de dollars (5 milliards de colones, monnaie locale) que coûtera la route de la discorde, seuls 800 millions seront investis dans sa construction, le reste sera utilisé pour embaucher des hommes armés jusqu’aux dents, qui se trouvent déjà dans la zone, qualifiée comme d’« urgence » par la présidente Laura Chinchilla. Comme nous l’avons dit auparavant, « la lutte contre trafic de stupéfiants » a bon dos. Le 2 septembre dernier un porte-avions des Etats-Unis a arraisonné dans les eaux costariciennes des bateaux de pêche, malgré les protestations sur la violation de la souveraineté de ce pays soulevée par les parlementaires et le peuple en général. Par exemple …

Le Nicaragua dispose de la Force Aérienne la plus petite de l’isthme. Il possède seulement des missiles SAM « terre – air » comme défense face aux possibles agressions, qui demeurent intacts en grande partie malgré les pressions des EU pour les désamorcer. Devant le nouveau triomphe du sandinisme dans le pays, les yankees changent de tactique mais non de manies. Déclaré « personne non grata » l’ambassadeur Robert Callahan, qui au début de cette année, a insulté des journalistes locaux arguant qu’ils étaient des « employés du gouvernement » de Daniel Ortega, ce dernier a continué d’insulter le gouvernement sandiniste depuis les USA, en qualifiant les dernières élections nicaraguayennes de « farce électorale ». Callahan, homme de la CIA, expert en Opérations Psychologiques, disciple de l’ex-ambassadeur au Honduras, John Dimitri Negroponte, et chargé de presse dans le pays catracho et en Irak, a laissé son poste au Nicaragua, qui a été occupé par la nouvelle ambassadrice made in USA, Phillis Powers, venant du Panama. Powers fut antérieurement en poste en Jordanie, en Russie, en Pologne, en Colombie, à Lima et à Bagdad. Maintenant, au Nicaragua, on suppose qu’elle devra réparer les relations avec ce petit pays, troublées par Callahan. Le Nicaragua, on peut le dire, c’est le pays de l’Amérique centrale le moins contaminé par le « trafic de stupéfiants », bien qu’il manque du matériel de guerre dont disposent ses voisins, surtout honduriens et costariciens. Cependant, son alignement avec l’ALBA dans le cadre de son passé et présent sandiniste représente un caillou dans la chaussure impériale, qui essaiera de raser, quand il le pourra, le pays de Sandino et de Carlos Fonseca Amador.

Les intrigues des Etats-Unis au Mexique - transfert clandestin d’armes et autres - à l’égard de la « lutte contre le trafic de stupéfiants » constituent une alerte sur ce qui viendra. Le double message impérial, n’est pas parce que connu moins dangereux, est quelque chose à prendre en compte par rapport à l’avenir du Nicaragua. Le Nicaragua est dans le viseur, il est impératif d’alerter et de nous alerter sur cette situation.

Jorge Luis Ubertalli

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

Fuente : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=141539