Impression de séjour au Nicaragua – Ete 2013 par Philippe François

Deux mois après notre retour, je prends enfin le temps de rédiger un petit texte comme nous en avions convenu avec Ruth. Cet été, nous sommes retournés au Nicaragua afin de visiter la famille de Rosa. Comme d’habitude, nous avons séjourné dans les villes de Managua, León et Matagalpa. Puis nous sommes montés plus au Nord dans la région d’Estelí et San Raphael del Norte. Nous en avons profité pour faire une courte visite au CDI à Managua. Lors de notre visite au CDI, nous avons filmé l’activité des différents centres d’éducation et j’espère bien profiter des vacances de la Toussaint pour monter un petit film à présenter lors la prochaine A.G d’INTI.

Concernant la situation générale, j’ai ressenti la même impression d’amélioration qu’il y a 2 ans. Le réseau routier s’améliore constamment. Nous avons pu rejoindre depuis Estelí une petite ferme laitière proche de San Raphael del Norte en prenant une route pavée construite lors des 3 dernières années. Ce trajet n’a duré que 45 minutes en voiture normale au lieu de 3 heures en véhicule tout terrain dans le passé. Dans cette modeste ferme familiale située en zone montagneuse, nous avons aussi pu constater que le ministère de l’environnement mène des actions de reboisement en s’appuyant sur les agriculteurs. Il n’y a plus de coupures d’électricité ou très peu. L’activité industrielle des « Maquinarias » s’est accrue; par exemple la société ARNECOM (sous-traitant automobile) étend une de ses usines à León. Côté villes, l’activité commerciale est plus forte, de nouveaux centres commerciaux sont apparus. C’est particulièrement vrai dans la zone d’Estelí dont l’économie bénéficie de l’exportation des cigares et du passage de la route transaméricaine. Enfin l’accroissement du tourisme est visible. Le Nicaragua devient une destination d’Eco-tourisme grâce à sa diversité (lacs, volcans, réserves, villes coloniales, plages) et un bas coût de la vie pour les occidentaux. Bien sûr, tous ces progrès restent relatifs et ne concernent pas toute la population.

Les moteurs principaux de ce progrès me semblent être l’appui du Venezuela par son pétrole et une relative stabilité politique. Concernant ces deux aspects politiques, je me contenterai de dire que rien ne me semble transparent. Comme indiqué il y a deux ans, les familles et compagnies les plus riches du Nicaragua continuent de prospérer sans débat sur leur taux d’imposition ou les droits sociaux de leurs employés. Nous venons malheureusement d’en avoir encore un exemple avec les maladies rénales mortelles des travailleurs de l’Ingenio San Antonio. (Industrie sucrière et du Rhum). (Voir article du Monde le 23/09/2013)

En parallèle, la gestion de l’aide Vénézuélienne via la société « Albanisa » est très controversée car affiliée au parti Sandiniste, voire à la famille du président Ortega et non pas à l’état Nicaraguayen. L’enrichissement de la famille Ortega est l’objet de plus en plus de questionnement dans la population. Il apparait aussi de plus en plus clairement que la discipline imposée au sein du parti Sandiniste n’a rien de démocratique. A cet égard, la gestion du projet de Canal transocéanique est un exemple manifeste. Lors du vote à l’assemblée, deux députés ont perdu leurs postes pour avoir voté contre pour l’un et s’être abstenue pour l’autre. Ils sont aujourd’hui tout simplement remplacés par leur suppléant. Ceci est regrettable car si la majorité des Nicaraguayens ne connait pas vraiment les conditions de l’accord signé avec un homme d’affaires privé chinois, la plus part se sentent concernés par les effets sur les écosystèmes et la contamination des zones traversées en particulier les forêts tropicales et le lac Nicaragua. Surtout qu’il est clairement établi que le lac n’est pas assez profond et qu’il faudrait le creuser considérablement pour augmenter sa profondeur de 20 à 60 mètres environ (les chiffres diffèrent).

Mais pour conclure, je préfère transmettre le souvenir de la majorité de la population Nicaraguayenne qui vit modestement et avec dignité, à l’image de ces agriculteurs qui nous ont montré comment traire leurs vaches et « echar las tortillas ». Peut-être qu’ils nous démontrent que pour vivre intelligemment, il vaut mieux vivre simplement.