Forum international d’agroécologie à Nyelemi, Mali

Du 24 au 27 février 2015

(http://www.alterinfo.org)

Traduction et larges extraits de la déclaration finale

Ce forum est organisé sous les auspices de plusieurs mouvements :

- Coordination Nationale d’organisations paysannes du Mali (CNOP) présidence

- Via Campesina

- Mouvement agro écologique d’Amérique Latine et Caraïbes MALENA)

- Réseau d’organisations paysannes et producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA)

- Forum mondial des peuples pêcheurs (WFFP)

- Forum mondial des pêcheurs et travailleurs de la pêche (WFF)

- Alliance mondiale des peuples indigènes mobiles (WAMIP)

- Mas y Mejor (MaB)

Ces mouvements participants sont réunis à l’échelle mondiale et régionale dans le Comité International de Planification de la Souveraineté alimentaire (CIP)

C’est la deuxième fois que les représentants de ces divers mouvements se réunissent au Mali (petits producteurs, paysans, travailleurs ruraux, peuples indigènes, chasseurs, cueilleurs, bergers, pêcheurs artisanaux etc.)

Il faut rappeler que les divers secteurs représentés par ces organisations produisent ensemble 70% des aliments consommés par l’humanité.

En effet, défiant un nombre important de crises,

l’agroécologie permet de répondre à la question de la transformation et de la correction des réalités d’un système alimentaire et d’un monde rural dévasté par la production alimentaire industrielle et les « Révolutions vertes et bleues ».

Nous entendons l’agroécologie comme une clé de résistance à un système économique qui place le profit avant la vie.

La surproduction d’aliments issue de ce modèle détruit la fertilité du sol et elle est responsable de la déforestation, de la contamination de l’eau, de l’acidification des océans et de l’épuisement des ressources en poissons.

Les ressources naturelles essentielles ont été transformées en marchandises et les coûts de production en augmentation nous chassent de nos terres. Les semences paysannes sont volées et revendues aux paysans à des prix exorbitants et sous la forme de variétés sélectionnées dépendant des agro toxiques coûteux et contaminants.

Le système alimentaire industriel est un puissant facteur dans la survenue des multiples crises alimentaires, environnementales, de santé publique et autres que nous vivons aujourd’hui.

Le libre commerce, les différents accords entre Etats et investisseurs, ainsi que les fausses solutions telles que le marché du CO2, entre autres, ne font qu’aggraver la crise

L’agroécologie devant un carrefour

Le système alimentaire industriel, son potentiel productif et sa rentabilité dues à ses contradictions internes, commencent à s’épuiser à cause de la dégradation des sols, des herbes devenues résistantes aux herbicides, les lieux de pêche rendus appauvris et des plantations sous forme de monocultures sont de plus en plus ravagées par des maladies.

De même, des conséquences négatives de cette agriculture industrielle se font sentir : émission de gaz à effet de serre, crises de la santé dues à la malnutrition, obésité, diabète, tumeurs et cancers du colon.

La pression populaire a obligé de nombreuses institutions, gouvernements, de centres de recherches, d’ONG’s etc. à reconnaître la valeur de l’agroécologie, mais sans toutefois vraiment mettre en question les structures de pouvoir en place.Ceci se réduit souvent à un maquillage du système industriel et à un discours écologiste trompeur sous divers noms : agriculture prenant en compte le changement climatique, intensification soutenable écologique, production industrielle de monoculture d’aliments « biologiques » etc.

Ce n’est pas ce que nous entendons par agroécologie. Nous refusons ce maquillage et nous luttons pour dénoncer et freiner cette appropriation insidieuse de l’agroécologie. Les vraies solutions des crises du climat et de la dénutrition etc. ne passent pas par le modèle industriel. Nous devons construire nos propres systèmes locaux et créer des liens entre citadins et ruraux fondés sur la production alimentaire des paysans, des pêcheurs artisanaux, des bergers, des peuples indigènes, des agriculteurs urbains etc.

Nos piliers et principes communs

L’agroécologie est une façon de vivre et la langue de la nature. Elle ne peut pas s’appliquer de la même façon dans tous les territoires. Même si on peut voir des similitudes dans la diversité des territoires, la pratique diffère selon les réalités et la culture locales en respectant toujours la Mère Terre et nos valeurs communes et partagées.

Les pratiques de production agroécologique (comme les cultures intercalées, la pêche traditionnelle, la transhumance, l’intégration dans les cultures d’arbres, d’animaux, de poissons, d’engrais vert, du compostage, de l’usage de semences paysannes, des races locales du bétail, etc.) se fondent sur des principes écologiques comme la préservation des sols, le recyclage, la gestion dynamique de la biodiversité, et l’économie de l’énergie à toutes les étapes.

Ainsi, l’emploi d’agrotoxiques, d’hormones artificielles, de semences OGM ou d’autres technologies nouvelles dangereuses n’ont pas leur place.

Les peuples et les communautés ont le droit de garder leurs propres relations spirituelles et matérielles avec leurs terres…

Nos processus d’apprentissage sont horizontaux et entre égaux, basés sur l’éducation populaire…

Le fondement de nos cosmovisions réside dans l’équilibre nécessaire entre la nature, le cosmos et les êtres humains.

Nous nous opposons à la marchandisation de toute forme de vie.

Nous promouvons des chaînes de distribution courtes, directes et justes. Ceci implique une relation transparente entre les producteurs et les consommateurs basée sur la solidarité afin de partager les risques et les bénéfices.

L’agroécologie est politique, elle exige de nous mettre en question et de transformer les structures du pouvoir dans la société.

Nous devons mettre le contrôle des semences, de la biodiversité, de la terre et des territoires, de l’eau, des savoirs, de la culture et des biens communs entre les mains des peuples qui alimentent le monde…

Pour que l’agroécologie atteigne son plein potentiel, on doit garantir la distribution équitable des pouvoirs, des taches, de la prise de décisions et de la rémunération…

Elle doit créer un dynamisme social et territorial offrant des opportunités aux jeunes ruraux et valorisant le rôle de la femme.

Cette déclaration finale est suivie d’une longue énumération des stratégies à promouvoir pour atteindre ces objectifs.