Conférence mondiale des peuples pour un monde sans murs et la construction d’une citoyenneté universelle

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La ville de Tiquipaya dans les Andes boliviennes, à environ 200 km au sud de La Paz dans la région de Cochabamba (54.000 habitants à 2.700 m d’altitude) a accueilli les 20 et 21 juin 2017 cette importante conférence avec des délégations de 44 pays.

À noter que ce n’est pas la première fois que des conférences importantes se réunissent dans cette ville. Celle-ci fut en effet le siège en avril 2010 de la « Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la terre mère (Madre Tierra) » avec 15.000 participants et en juin 2012 de la « Rencontre internationale de la sécurité et de la souveraineté alimentaire dans les Amériques » .

C’est après avoir entendu le témoignage de migrants et de réfugiés et avoir réfléchi sur ce qu’on appelle la crise migratoire que la conférence de 2017 a adopté sa déclaration finale.

Selon elle, la crise généralisée que nous vivons actuellement et qui est à l’origine du déplacement et de la migration forcée de millions de personnes s’explique principalement par les conflits guerriers et les interventions militaires, le changement climatique et les énormes asymétries économiques entre les Etats et à l’intérieur de ceux-ci. L’ordre mondial dominant par son appétit sans mesure pour le lucre et l’appropriation des biens communs génère de la violence, promeut les inégalités et, en définitive, détruit la Madre Tierra.

Il faut donc impulser avec plus de force un nouvel ordre mondial qui devra se caractériser par :

 L’établissement de relations de complémentarité, d’équité et de solidarité entre les personnes et entre les peuples, la reconnaissance et l’universalisation de l’accès aux services de base qui sont des droits fondamentaux ne pouvant être l’objet de lucre ou de spéculation par des groupes privés ;

 La plus grande participation citoyenne dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques transcendant les oligarchies, dynasties, monarchies et autres formes de hiérarchies dans la société ;

 Une nouvelle architecture financière internationale supprimant des organismes multilatéraux au service du capital transnational et garantissant la propriété sociale des ressources naturelles ;

 Une vie en commun harmonieuse avec la Madre Tierra et le respect de ses droits, assumant le fait que la nature peut vivre sens les êtres humains, mais que ceux-ci ne peuvent se mettre en marge d’elle, en foulant au pied ses droits et en détruisant les habitats ;

 La construction d’une paix véritable qui n’est pas seulement l’absence de conflits guerriers mais le dépassement de la violence structurelle par un accès équitable aux ressources et opportunités de développement ;

 La mobilité est un droit enraciné dans l’être humain et doit bénéficier à chacun de manière égale. Cependant le fait de se déplacer ne correspond pas dans la majorité des cas à une décision volontaire mais à des situations de nécessité pouvant, à l’extrême, se caractériser par une migration forcée. À la douleur du déracinement s’ajoutent des situations d’injustice, d’exclusion, de discrimination et d’exploitation dont souffrent les personnes en transit et qui se traduisent dans le pays d’arrivée par des atteintes à la dignité et aux droits humains fondamentaux et, dans un grand nombre de cas par des atteintes à la vie même ;

 Les discours hégémoniques propagés par les transnationales des médias donnent des migrants une image négative et occultent leurs apports dans les pays d’arrivée du point de vue économique, démographique et socioculturel. On voit avec inquiétude la progression de positions néocoloniales, intolérantes et xénophobes qui portent atteinte à la coopération entre les peuples et constituent une vraie menace pour la paix mondiale. Forte de cela, la conférence a émis 10 propositions :

1. Dépasser la perspective hégémonique des politiques prétendant gérer les migrations de manière « régulière, ordonnée et sûre» par une vision humaniste permettant d’accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les personnes migrantes.

2. Refuser la criminalisation de la migration donnant une fausse image de sécurité et de contrôle et plus particulièrement, exiger l’élimination des centres de détention de migrants.

Exiger la destruction des murs physiques mais aussi la persistance des murs légaux mais invisibles qui persistent, utilisant la peur, la discrimination et la xénophobie pour introduire de la division. De la même manière dénoncer les murs médiatiques qui disqualifient et stigmatisent, et agir pour la création de médias alternatifs de communication.

3. Créer une instance de « Protection Mondiale des Peuples » dédiée à la défense des migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, victimes de traite et de trafic pour promouvoir la libre mobilité et les droits humains.

Demander au peuple et au gouvernement de Bolivie d’agir pour la création d’un secrétariat coordinateur afin de rendre effectif l’accomplissement des résolutions de la présente conférence.

4. Exiger des gouvernements la création et/ou le renforcement de citoyennetés régionales permettant la mobilité interrégionale comme un pont vers la citoyenneté universelle.

5. Demander que les dépenses publiques destinées à la guerre et à la criminalisation des migrants soient utilisées pour la création de programmes d’intégration garantissant aux personnes migrantes et à leurs familles le plein exercice de leurs droits.

6. Impulser des politiques publiques pour qu’il existe des villes et des sociétés intégrantes afin que soient rendus effectifs, dans la vie quotidienne des migrants, les droits à l’habitat, à la santé, à l’éducation, à la sécurité sociale respectant les principes de complémentarité, solidarité, fraternité et diversité.

7. Convoquer tous les gouvernements du monde à lutter ensemble contre les réseaux criminels de trafic d’êtres humains et déclarer que la traite de personnes est un crime contre l’humanité.

8. Actualiser, renforcer et faire avancer le système multilatéral et ses instruments internationaux concernant les migrants, réfugiés et leurs familles, spécialement :

a) la « convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles » puisque celle-ci n’a été ratifiée par aucun pays recevant des migrants ;

b) la « convention sur le statut des réfugiés de l’ACNUR / UNHCR (Haut commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies) en y incorporant les nouvelles catégories des déplacés et réfugiés climatiques ;

c) participer activement au Pacte Mondial qui sera célébré par les Nations Unies en 2018 ;

d) proclamer à l’Assemblée générale des Nations Unies la décennie internationale pour un monde sans murs et vers la citoyenneté universelle ;

e) dépasser l’approche de « frontières rigides » par une vision les transformant en ponts d’intégration pour l’unité entre les peuples et l’accueil des migrants où la coopération entre les Etats permet de lutter efficacement contre le crime international organisé.

9. Impulser « le bien vivre » dans les lieux d’origine des personnes migrantes afin que la mobilité soit toujours volontaire et jamais forcée du fait de la pauvreté, de la violence ou du changement climatique, ceci en mettant en évidence les actions irresponsables des entreprises transnationales et en leur appliquant des sanctions lorsqu’elles portent atteinte à la possibilité pour les familles de rester dans leur lieu d’origine.

10. Promouvoir la mobilisation populaire à l’échelle mondiale pour que, dans les instances intra et internationales, soit reconnu le caractère inaliénable des droits des personnes à se déplacer, ceci en démolissant les barrages, interventions et murs que les puissants élèvent unilatéralement pour perpétuer l’inégalité et l’injustice sociale dans le monde.