COSTA RICA - Contexte Pré-électoral

Par Rocio Alfaro – ALAI – AMLATINA – 31 janvier 2018

La conjoncture électorale du Costa Rica apparaît très surprenante, dans un pays de tradition « démocratique », respectueux des droits humains, ayant une large couverture dans le domaine de l’éducation, sans grands évènements violents et sans grande pénétration du narcotrafic comme c’est le cas dans d’autres pays…

Mais ceci ne correspond pas à la réalité ; cela fait partie du mythe qui s’est construit autour du Costa Rica et on est surpris de ce qui se passe actuellement si on n’a pas suivi attentivement les évolutions économiques, politiques et culturelles du pays.

Que se passe-t-il aujourd’hui ?

La tendance à la radicalisation du discours de la droite, l’introduction du capital issu du narcotrafic, la poussée idéologique des groupes néo-intégristes (Opus Dei) et néo-pentecôtistes, les attaques contre les institutions et l’Etat Social (ce qui se manifeste aussi bien par la corruption rampante que par le discours niant la nécessité de la séparation des pouvoirs), la légitimation de la violence verbale et de la thèse selon laquelle il faut avoir un « homme fort », la partialité et/ou la tiédeur d’un Tribunal Suprême Electoral (TSE) qui n’assume pas les prescriptions de la Constitution du Costa Rica (telles que l’interdiction des partis confessionnels et l’utilisation d’arguments religieux dans les campagnes électorales), une banque d’Etat qui décide de saboter le financement transparent des partis. Tout est fait pour dépolitiser la population ce qui ne peut que faire croître l’abstention.

Il ne faut pas oublier que depuis 4 ans et pour la première fois au Costa Rica depuis la fin de la guerre civile de 1948, la gauche a conquis du terrain, au point de devenir la troisième force électorale et de risquer de mettre en danger le modèle socio-économique dominant (après l’opposition de l’ensemble des partis au Frente Amplio). Cette configuration ouvre la possibilité d’avoir une présidence au « centre », non issue des deux partis qui, traditionnellement, dirigent en alternance le pays. Mais les politiques néolibérales demeurent malgré ce changement, ce qui met en évidence le fait que l’oligarchie est en mesure d’imposer la même politique et de conserver la réalité du pouvoir. On voit aussi apparaître des groupes fanatiques qui proposent à la vindicte publique les mouvements progressistes promouvant par exemple l’écologie ou la liberté de choisir son orientation sexuelle, ceci en s’inspirant des méthodes de Donald Trump lorsqu’il fait des discours politiquement incorrects plaisant beaucoup aux plus exclus.

Par ailleurs, le pouvoir des groupes religieux inspirés de l’Opus Dei ou des groupes nord-américains de la théologie de la prospérité (néo-pentecôtistes) tentent d’influencer la politique nationale comme ils l’ont déjà fait dans les pays comme le Brésil, le Honduras et le Guatemala.

A ceci s’ajoute la présence d’un monopole des médias de communication au Costa Rica et la fragmentation des mouvements sociaux ainsi que la faiblesse idéologique de la gauche. La situation est assez confuse et préoccupante. Un jour c’est un pasteur évangélique qui est en tête des sondages et qui a fait de l’homophobie sa principale arme, un autre jour c’est un clone de Trump, puis un entrepreneur de bananes, symbole du bipartisme, etc.

Le parti du gouvernement appelle désespérément les électeurs au « vote utile » bien que sa base ressente une grande déception du fait de la révélation d’énormes cas de corruption dans sa gestion présente, ce alors que par ailleurs le Frente Amplio ne parvient pas à se relever.

Aucun candidat ne peut gagner au premier tour. Mais il est malheureusement à craindre que la gauche et le mal nommé « parti progressiste » aient beaucoup de mal à vaincre le modèle néolibéral fondé sur la captation des ressources naturelles avec, de plus, un comportement raciste et patriarcal.