Elections générales atypiques au Guatemala

Le 16 juin 2019 ont eu lieu les élections avec 18 candidats à la présidence. Plusieurs incidents et soupçons de fraude ont nécessité un recomptage des voix et de nouvelles élections dans quelques municipalités. Le deuxième tour pour départager les deux candidats arrivés en tête aura lieu le 11 août. Sandra Torres du parti « Unidad Nacional de la Esperanza » devance dans les enquêtes Alejandro Giammattei du parti « Vamos »

Mais l’événement de ces élections fut la candidature de Thelma Cabrera, candidate du « Mouvement pour la libération des Peuples (MLP) », arrivée en 4ième position, qui a fait resurgir au sein la population blanche et métisse du Guatemala la hantise des paysans organisés. Il y a une peur de l’indien. On ne craint pas l’indigène qui cherche individuellement une meilleure vie, mais on le craint quand il s’organise avec d’autres et surtout quand il se positionne à gauche. On a peur des manifestations de vengeance, d’une explosion des ressentiments, et que les indigènes surmontent leur complexe d’infériorité. C’est comme cela que l’anthropologue Manuela Camus décrit les préjugés des ladinos-métis dans la dynamique guatémaltèque et que selon elle, il faut comprendre les réactions qu’a provoqué la candidature de Thelma Cabrera

. La peur qu’elle suscite tient à sa participation à l’organisation CODECA, à sa proposition de nationaliser l’énergie et d’élaborer une nouvelle constitution populaire et plurinationale. L’Assemblée Constituante comprendrait 84 députés dont 40 sièges issus d’élections départementales au suffrage universel, 40 sièges issus du corps électoral des peuples indigènes et 4 sièges pour les Guatémaltèques vivant en dehors du pays. De cette façon, l’exclusion historique des peuples indigènes pourrait enfin disparaître. Qui est Thelma Cabrera ?

C’est une femme Maya Mam de 49 ans qui a grandi à Sinaba, une des régions les plus pauvres de la municipalité El Asintal, Retalhuleu, à 195 km de la capitale. Elle se déplace sans escorte et n’a pour financement que l’apport des sympathisants du mouvement.

Au Guatemala il y a une grande différence entre la grande bourgeoisie blanche et la classe moyenne métisse, mais ce qui les unit, c’est la peur de l’indigène organisé qui est un monstre dont personne ne connaît le visage, qui est loin de la capitale et dont personne n’écoute les plaintes et les revendications mais qui de temps en temps sort de l’ombre pour manifester et bloquer les routes… Mais à présent Thelma Cabrera et le MLP ont une proposition de réforme radicale et de refondation. Le 7 mars, avec la candidature de Thelma, l’indigène avait un visage.

Thelma Cabrera s’est exprimée devant le Tribunal électoral et a pu montrer qu’elle n’était pas seule mais qu’elle fut élue par une assemblée de communautés pour défendre les droits des indigènes et la terre-mère : « Aujourd’hui c’est un jour historique pour nous parce que je peux m’exprimer devant vous et recevoir ce carnet permettant notre participation aux élections 2019. Nous connaissons les obstacles, l’opposition de l’oligarchie mais nous faisons la preuve que nous avançons en tant que peuple afin d’aboutir à une constituante populaire d’un Etat plurinational où nous représenterons les Mayas, Garifunas, Xincas et les métis ».