Le Honduras entre cauchemar et résistance populaire

Giorgio Trucchi / Rel-UITA

Au matin du 28 juin 2009, le Honduras se réveilla avec l’espoir de pouvoir exercer son droit légitime de décider de son futur, mais c’est quelque chose que ni l’oligarchie nationale, ni les militaires - les deux étant soumis aux secteurs les plus conservateurs de la politique des Etats-Unis - ne pouvaient permettre. En effet, le président d’alors, Manuel Zelaya avait « osé » organiser une consultation populaire pour que la population décide si on pouvait mettre une 4ième urne aux prochaines élections en vue de réformes constitutionnelles. Ce fut suffisant pour qu’à l’aube du 28 juin un fort contingent militaire donne l’assaut à sa maison, le sorte en pyjama, le déporte au Costa Rica après une escale à la base militaire des Etats-Unis de Palmarola.

La rupture de l’ordre constitutionnel ne fut pas seulement le début d’une crise institutionnelle profonde qui n’a toujours pas été surmontée et qui a abouti à un approfondissement des politiques néolibérales de saccages des biens communs, a rendu impossible quelconque alliance internationale un peu progressiste et a réprimé les mouvements syndicaux et populaires.

Une décade perdue

Le Honduras s’est converti en laboratoire de futurs « coups d’Etat institutionnels » et devint de nouveau la tête de pont des intérêts géopolitiques et militaires des Etats-Unis dans la région centraméricaine. Le processus de militarisation du territoire et de la sécurité publique, impulsé par les gouvernements héritiers du coup d’Etat, accompagne le contrôle absolu des pouvoirs de l’Etat, la répression et l’approfondissement de la criminalisation des protestations. La crise des droits humains et la recrudescence de la corruption, la violence et l’impunité ont laissé un bilan sans précédent de morts, de blessés, de prisonniers et d’exilés.

Résistance populaire

Malgré une telle répression, le peuple hondurien a eu la fermeté et l’obstination de poursuivre la lutte contre l’imposition d’un modèle concentrant le pouvoir et la richesse entre quelques mains et appauvrissant l’immense majorité de la population. 10 années après ces tragiques évènements, il continue à descendre dans les rues et à lutter contre les privatisations, la précarisation du travail, le saccage des territoires et des biens communs. Il exige la fin d’un pouvoir illégal, résultat d’une fraude électorale et il résiste à la répression.10 années après le coup d’Etat, le Honduras est exsangue et vit un processus accéléré de perte des droits et de violation des droits humains. L’impunité est absolue et la militarisation du pays est financée par la dette publique. Le régime a l’appui politique et militaire du gouvernement des Etats-Unis. Le dirigent syndicaliste Carlos H. Reyes dit : « Nous vivons un processus historique où les Etats-Unis ont repositionné le Honduras comme gendarme de l’espace centraméricain. C’est une honte de voir comment ils ont avalisé la fraude électorale de 2017 et comment ils continuent à soutenir cette dictature corrompue. Devant la brutale répression des derniers jours et la criminalisation du mouvement en défense de la santé et de l’éducation publique, le futur du Honduras est très incertain… »

JUAN ÁNGEL LÓPEZ MIRANDA, président du plus grand « asentamiento » au Bajo Aguán, "El Asentamiento Marañones" avec 1500 familles. Il fut assassiné le 13 Novembre 2014.

Le Honduras 10 années après le coup d’Etat le peuple ne supporte plus la domination nationale et l’ingérence impérialiste

C’est un résumé de deux articles de Dick Emanuelson parus en juin sur Tele Sur

Le parti de gauche LIBRE, créé en 2013, a gagné deux élections, mais malgré les protestations massives, la fraude a empêché que cela soit reconnu. Depuis lors, en 2015 une nouvelle force politique s’est ajoutée, celle des étudiants de l’Université (UNAH). 30 000 ont envahi les rues pour manifester et demander la démocratie à l’intérieur de l’université, la gratuité et une meilleure qualité de l’enseignement.

À présent, la « Plateforme pour la défense de la santé et de l’éducation publique » a pris de l’ampleur et demande un changement de régime. Les derniers jours, surtout après le 19 juin, des blocages de routes ont commencé. Des policiers, surtout ceux des forces spéciales, ont refusé de réprimer et se sont déclarés en grève. Pour autant, ils n’ont pas toujours eu la sympathie du peuple car après des arrangements avec le gouvernement, la répression reprend souvent.

Le modèle de développement est dominé par la bourgeoisie nationale. Elle n’a pas de projet et reste soumise aux groupes oligarques, surtout financiers, c’est à dire les banquiers liés au narcotrafic, aux Etats-Unis et au « Comando Sur » (Commandement Militaire Sud) qui est, en réalité, le principal narcotrafiquant de la région. La situation est telle que les commerçants et industriels historiques du pays sont à présent dans une position presque révolutionnaire. Eduardo Facusé est l’un d’eux et il a annoncé sur Twitter qu’il se considère désormais comme « nangara » (communiste au Honduras). Ainsi on voit des gens les plus à droite passer dans les rangs de la gauche parce qu’ils souhaitent un projet de développement national authentique. Vitalino Alvarez, un vétéran de la lutte paysanne depuis les années 8O dans le Bajo Aguan raconte que 150 compagnons qui ont lutté pour la terre ont été tués depuis le coup d’Etat. Lui-même a échappé miraculeusement à 4 attentats. La région de la côte nord de Colon est totalement militarisée depuis le coup d’Etat au service de trois propriétaires et agroindustriels. A eux trois, ils possèdent 90 000 hectares semés de palme africaine. Les paysans disent qu’ils ont formé des groupes paramilitaires composés de Colombiens et d’Israéliens, la présence de ces derniers se régularisant avec la construction d’une base par l’Etat d’Israël en terre hondurienne.

Les minorités notamment sexuelles (LGBTI) sont aussi l’objet d’une grande violence. En 3 jours trois femmes transsexuelles ont été assassinées ce qui vient s’ajouter aux 320 victimes de l’année 2018 et aux 21 victimes depuis le début de l’année 2019.

La population ne se révolte pas seulement dans le Nord. San Pedro Sula est en guerre et ce ne sont pas les paysans, mais les enseignants et les médecins qui sont dans la rue pour dénoncer la privatisation de l’éducation et de la santé.

Le 6 mai de cette année une délégation du FMI est arrivée au Honduras et, derrière des portes fermées, le gouvernement de droite de Juan Orlando Hernandez (JOH) a imposé un « décret d’urgence » pour les secteurs de la santé et de l’éducation, avec ouvertement l’intention de les privatiser.

Aussitôt la population s’est mobilisée contre cette privatisation avec une force qui a surpris. Mais le gouvernement a cherché par tous les moyens et notamment par la police militaire à neutraliser la protestation populaire, Il a même envoyé des tanks et des troupes à Choluteca dans le sud du pays où la rébellion ne faiblit pas.

Les Etats-Unis et son ambassade à Tegucigalpa déclarent leur soutien total à JOH qui a permis au Comando Sur et les alliés militaires du Brésil, du Pérou et de la Colombie de venir sur le territoire national pour entraîner une FORCE SPECIALE dont le noyau est constitué de 300 marines qui sont déjà arrivés le 5 juin soi-disant pour alléger les effets de catastrophes naturelles au Honduras, au Salvador, au Guatemala et à Belize. En réalité, selon la gauche hondurienne l’objectif est d’envahir le Venezuela, Cuba et le Nicaragua. Manuel Zelaya, le président destitué et coordinateur du parti « Libertad y Refundacion » (LIBRE) refuse sur sa page Twitter la présence de ces troupes et de l’ambassadrice Heidi Fulton.

Mais on n’entend pas que les bruits de bottes du « Comando Sur ». On a appris il y a quelques semaines, que d’Israël construira une base pour 1.100 militaires à côté de la base militaire des USA de Palmerola. Très loin de s’approcher et de nouer des relations plus étroites avec la Palestine, le gouvernement de JOH a décidé au contraire de suivre la voie de Donald Trump en transférant son ambassade à Jérusalem, une provocation envers le peuple de Palestine.

Le Honduras et le Nicaragua sont pratiquement des pays jumeaux en ce qui concerne la population et le territoire. Le gouvernement sandiniste a construit 16 hôpitaux depuis 2007. Le prochain hôpital qui va se construire sera le plus grand du pays avec un investissement de 150 millions d’US$.

Et au Honduras ? Aucun hôpital n’a été construit. L’année dernière, les 23 millions d’US$ du budget destiné à la santé, soit 23 millions de $US n’ont donné lieu à aucun investissement et les hôpitaux manquent de tout, de médecins etc. ce alors qu’il y a 12.000 médecins sans emploi sur le territoire national. Tout est fait volontairement pour réduire l’offre publique de santé. Quand le budget de la santé se réduira à la demande du Fond Monétaire International, il est question qu’un consortium colombien de cliniques privées s’implante sur l’ensemble sur le territoire du Honduras.