Qui sont les Mayangnas ?

Le nom mayangnas peut se traduire par « nous sommes les fils de notre père le soleil ». On les désigne aussi sous le nom de « sumus ». C’est ainsi que plusieurs populations indigènes furent désignées par les colons espagnols et anglais mais ceci avait une connotation méprisante.

La Côte Atlantique du Nicaragua, décomposée à présent en deux régions autonomes : celle de l’Atlantique Nord, RAAN, et de l’Atlantique Sud, RAAS, fut autrefois un territoire vide. La première population qui l’a habité a été celle des Mayangnas.

Leur origine reste néanmoins incertaine. Venaient-ils du Nord ou du Sud ? Tout ce que l’on sait est qu’ils étaient déjà présents avant l’arrivée d’autres tribus, comme par exemple les Wayah, nom qu’ils donnaient aux Miskitos.
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Des anthropologues affirment que les Mayangnas sont le seul groupe autochtone de la Mosquitia nicaraguayenne et qu’ils vivaient aussi dans la région atlantique du Honduras. Ils représentaient la population la plus nombreuse de l’Amérique Centrale à l’époque de la colonisation. Leur territoire s’étendait du Rio Patuca au Honduras au Rio Rama au Nicaragua. Par ailleurs les plus récentes études des anthropologues concluent qu’ils existent depuis plus de 6.000 ans, et on les trouve également au Mexique où ils se décomposent en trois groupes linguistiques :

♣ le groupe Macro-Maya

♣ le groupe Utozapoteca

♣ le groupe Utoazteca-Chibcha

La séparation des Chibchas des Utoaztecas a eu lieu au Mexique il y a 8.000 ans et fut le début d’une lente migration des premiers vers le sud.

Les langues mayangna, miskitu et rama descendent de ces groupes Chibchas. D’autres auteurs s’accordent à dire que les peuples Mayangnas, Miskito et Rama sont apparentés aux Chibchas de Colombie, ceci en se référant aux similitudes des langues et des coutumes. Cependant, le plus probable est que les ancêtres de Mayangnas s’établirent au Nicaragua et au Costa Rica pendant la lente migration des Chibchas du Mexique vers la Colombie.

Les noms des rivières et des villages témoignent de leur présence. Quelques exemples :

Waspuk (rivière nébuleuse) – Bilwi (feuille de couleuvre) (aujourd’hui Puerto Cabezas)

Wawa (une sorte de sauterelle) – Bilwas (rivière de serpents) – Saupuka (terre de nuages)

Pisîs (une sorte de courge) – Waspam (une sorte de liane) – Saulala (terre jaune) – Asang (colline)

Il n’existe pas de recensement récent. On estime la population actuelle des deux régions autonomes de la Côte Atlantique à 35 000 habitants. Au total, on dénombre neuf territoires. Sauni As est le premier à avoir reçu de l’Etat du Nicaragua un « titre de propriété territoriale » en mai 2005. D’autres territoires ont reçu leur titre de propriété en 2007, 2009 et 2010.
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Se raconte aussi une autre origine : les Mayangnas seraient venus d’Asie pour fuir une situation d’esclavage. Ils se seraient alors enfuis vers l’Est. Après un long exode et de nombreux dangers et difficultés ils seraient arrivés à une terre appelé Nicarao. Cette terre les enchanta et leur permit de vivre tranquillement de la chasse et la cueillette, ceci jusqu’à l’arrivée d’une autre tribu, les Wayah (Miskitos) qui mirent fin à leur tranquillité.

Avec la colonisation par les Anglais qui se sont appuyés sur des Miskitos, des guerres éclatèrent et les Mayangnas se dispersèrent en plusieurs groupes à l’intérieur du pays.

Mythes, légendes, cosmovision

Un de ces mythes raconte qu’à l’embouchure du rio Patuca au Honduras se trouve un grand rocher sur une colline dans lequel on voit un cordon ombilical, symbole de la naissance du père de tous les indigènes actuels.
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La cosmognie des Mayangnas est dominée par la dualité dont les éléments sont inséparables : le masculin et le féminin, le bien et le mal, le jour et la nuit, l’été et l’hiver, la sécheresse et la pluie etc. S’il y a une altération cela provoque un déséquilibre qui dénature tous les composants de la nature.

Le festival de SAUDA du peuple mayangna

La célébration de la cérémonie annuelle de Sauda est la principale expression culturelle du peuple mayangna. Elle réaffirme l’origine et l’existence des communautés et territoires, les relations sociales et culturelles. Elle confirme dans leur rôle les pouvoirs locaux, territoriaux et nationaux. Les fêtes de Sauda représentent un fait social total à caractère rituel, symbolique et sacré. C’est avec elles que débute le calendrier agricole.

À l’heure actuelle l’invasion de leurs territoires par des colons est à l’origine de tensions et de changements importants. C’est pour cela que les festivités de Sauda sont devenues des manifestations culturelles très importantes pour la cohésion entre les différentes générations et le maintien des traditions rituelles et spirituelles.

La signification de la SAUDA 

C’est l’expression du peuple mayangna qui se manifeste dans leur pensée cosmogonique par des cérémonies, des rituels, des repas, des purifications et évoquent les divinités Maisahna et Ituwaneh. Ce sont des espaces de convivialité, de réflexion, de prise de décisions et d’édiction de normes destinées à réguler la vie quotidienne en équilibre et harmonie avec la mère nature. La Sauda permet de recréer et de revivre les traditions sacrées et de renforcer la relation avec les pouvoirs surnaturels des divinités et la terre. C’est une célébration de gratitude pour les récoltes, la chasse, la pêche, les fruits sauvages. Elle permet la transmission des connaissances accumulées tout au long de l’histoire. Les Mayangnas voient la nature comme un tout dont l’homme n’est qu’un des éléments au sein de toute la création.

Histoire de la SAUDA

Dans le passé cette fête avait lieu au début de chaque nouvelle année du calendrier ancestral formé par une corde (quipu du Pérou) avec laquelle on faisant un nœud lors de chaque lune jusqu’à la date de la fête. Lors de celle-ci les habitants des différents villages se rassemblaient pour échanger leurs vécus.

Le personnage qui ouvrait les cérémonies s’appelait Ditalyang ce que signifie « celui qui a des connaissances ». Il était à la fois médecin, leader politique, enchanteur, voyant, guide spirituel et conseiller.





Le bâton Tulnak fut un élément très important dans les rites et cérémonies. C’était un instrument d’invocation, afin de diriger l’énergie, dessiner les symboles ou un cercle au sol ou encore indiquer la direction d’un danger. Il était élaboré dans du bois de l’Arawa, un arbre que l’on trouve uniquement dans certains endroits du territoire mayangna. Il était sculpté avec des symboles de la nature et décoré de plumes de différents oiseaux.

L’encensoir pour diffuser des parfums était soit en terre, soit en métal ou constitué seulement d’un coquillage. Il restait allumé pendant toute la durée de la cérémonie.

La musique : les musiciens ont toujours été présents avec des instruments en terre, des flûtes, des tambours, des harmonicas et des crécelles dans le but d’altérer la conscience et de créer chez les participants un état hypnotique ou de méditation. Ils accompagnaient des chants et des danses et interprétaient des mélodies de la nature et les chants des oiseaux.

Les plantes sacrées furent aussi utilisées pour provoquer des visions : le datura, le tabac, des champignons, des feuilles de certains arbres.

Il y avait obligation d’abstinence sexuelle et de jeûne. Les femmes ne participaient pas aux cérémonies. Elles préparaient les repas et les boissons. Les hommes participant à la cérémonie enduisaient leur corps avec des pigments de certains arbres ou des fleurs et devenaient pratiquement méconnaissables. Les hommes n’étaient vêtus que d’une bande d’écorce et les femmes d’un tissu autour de la taille jusqu’aux chevilles.

La nourriture et la gastronomie : pendant longtemps, les ressources naturelles permettaient une grande variété de nourritures grâce à la chasse, la pêche et l’agriculture. À présent, l’alimentation n’est plus aussi riche du fait de la destruction des forêts par les colons. Pour les Mayangnas, manger signifie davantage que la seule nécessité de se nourrir. Pour eux les aliments sont un héritage des dieux et des ancêtres. Pendant les festivités, les femmes élaboraient des plats à base de manioc, de maïs, de bananes et de différentes viandes comme le sanglier, les dindes et des poissons. Les boissons étaient faites à partir de bananes, du maïs, de patates douces et de fruits. La chasse étaient également très ritualisée. Les hommes devaient s’abstenir de relations sexuelles et devaient se purifier par des bains aux plantes médicinales. Les chasseurs utilisaient des flèches, mais aussi des armes à feu et des chiens.

Quelle signification a la SAUDA pour les Mayangnas à l’heure actuelle ?

La terre n’appartient à personne en particulier mais est le patrimoine de toute la communauté. Elle appartient à la fois à un ordre naturel et surnaturel. Les Mayangnas se considèrent comme les enfants de la déesse de la création Maitukiwana et maintiennent avec elle une relation de respect et d’équilibre. L’homme n’est donc pas l’élément principal de l’univers et la terre n’est pas seulement un moyen de production. La terre et le territoire ne sont pas seulement une aire géographique, mais l’expression d’une relation collective incluant le sol, le sous-sol, l’eau, les animaux et les plantes. C’est aussi un espace sacré avec les montagnes et ses étranges formations, les rivières avec les cascades, les bois où le rayon du soleil a du mal à pénétrer et qui sont d’accès difficile.

Les Mayangnas considèrent que les forces de la nature sont plus grandes qu’eux-mêmes et ont un caractère sacré. Les territoires sont le patrimoine des ancêtres et ils se sentent l’obligation de transmettre cet héritage à leurs descendants.

Pour les Mayangnas l’agriculture n’est pas une simple activité de production d’aliments, mais est la preuve de l’existence de la vie représentée par les grains, les semences ou la pluie … Le paysan mayangna travaille et s’intègre dans la partie sacrée de la terre-mère. Il prépare sa parcelle avec une cérémonie en demandant pardon aux esprits pour la perturbation qu’il crée par son intervention. La cérémonie de la SAUDA est destinée à assurer bien sûr une bonne récolte, mais aussi d’honorer les dieux et les esprits afin d’établir des relations bénéfiques entre l’homme et les pouvoirs spirituels garantissant la régénération. Les Mayangnas avaient toute une panoplie de dieux liés à la nature jusqu’à l’arrivée de l’église morave au début des années 1900. Depuis lors, de nombreuses traditions, coutumes et pratiques ancestrales ont été abandonnées. C’est à ce moment-là que des missionnaires, d’abord allemands, puis nord-américains, ont pénétré dans leurs communautés. Ces missionnaires n’ont pas seulement introduit une nouvelle religion, mais aussi de la discorde et du racisme parmi les indigènes ce qui a abouti à une profonde déculturation. Face à cette situation, les Mayangnas ont élaboré une résistance afin de préserver la souveraineté territoriale, conserver une organisation sociale et les croyances ancestrales. Afin d’échapper au contrôle des colonisateurs anglais, ils se sont réfugiés dans les forêts, près des rivières. En définitive, leurs croyances et celles des missionnaires ont fini par, plus ou moins, fusionner. Il n’a pas de refus complet des croyances antérieures, ni d’acceptation intégrale de la nouvelle religion.

Le gouvernement de la Nation Indigène Mayangna et les gouvernements territoriaux par leur programme « Education et Culture » se chargent de promouvoir la recherche et la diffusion de toutes les expressions, manifestations, connaissances et pratiques du peuple mayangna.