Pour une vraie autonomie de la population des descendants africains

Résumé d’un article de Alterinfos Amérique Latine de Carmen Herrera du 21-9-2016

Presque la moitié du Nicaragua est sous le régime de l’autonomie et peuplée de différentes ethnies, dont les descendants africains, tandis que l’autre moitié est peuplée de métis, en majorité catholiques et hispanophones.

Ce territoire de l’Atlantique fut colonisé par les Anglais et rattaché seulement au Nicaragua par le président José Santos Zelaya en 1894, donc 73 ans après l’Indépendance du Nicaragua en 1821, mais sans prendre en compte les différences culturelles et linguistiques de ces populations auxquelles la langue espagnole fut imposée.

En plus des descendants africains, on trouve sur ce territoire des indigènes mayagnas, miskitos, garifunas et ramas avec lesquels ils ne partagent pas seulement l’histoire, mais aussi une identité caraïbe malgré les différences qui les séparent. Leur langue, leur culture et leur organisation sociale ne sont pas semblable, mais ils se sont unis dans la lutte pour affronter l’Etat métis du Pacifique. Cela a abouti à la loi 28 « Statut d’Autonomie dans les régions de l’Atlantique ».

Avec ses 60 366 km2, cette région représente pratiquement la moitié du territoire national.

En 1987, pendant la Révolution Populaire Sandiniste (1979-89) la population de la Côte Caribéenne a exigé d’être véritablement incluse politiquement et économiquement au reste du pays, mais que l’Etat respecte leur autonomie et leurs différences.

Le Parlement a approuvé la loi d’autonomie séparant l’ancien département Zelaya en deux régions :

- Région autonome de l’Atlantique Nord (RAAN) et

- Région autonome de l’Atlantique Sud (RAAS)

Les habitants auraient préféré la dénomination Caraïbes au lieu d’Atlantique.

La loi 28 établit que le peuple nicaraguayen est multiethnique et reconnaît les droits des communautés de la Côte Atlantique de garder leurs langues, religions, art et culture, et d’avoir la libre disposition des eaux, forêts et terres communales. Des programmes spéciaux devaient voir le jour pour le développement de cette région et de garantir le droit à ces communautés de s’organiser et de vivre selon leurs traditions.

Cependant, presque 30 ans après la promulgation de cette loi, on doit observer que si la population caribéenne a bien préservé ses langues, ses religions, l’art et la culture, il ne va pas de même avec les ressources qui sont toujours administrées par le gouvernement central.

Depuis que la Côte Caraïbe a été annexée à la République du Nicaragua en 1894, elle a été une vraie colonie du Pacifique. (surtout pendant la dictature de la dynastie de Somoza)

On a extrait les ressources naturelles (l’or, la pêche, le bois parmi d’autres) sans que les bénéfices aillent à la région.

Maintenant ce sont les colons du Pacifique envahissant les terres indigènes qui posent un nouveau problème.

La population noire de la Côte Caraïbe du Nicaragua est dénommée créole en référence aux descendants d’Africains qui ne furent pas des esclaves et qui se sont mélangés avec d’autres groupes, principalement avec leurs conquérants anglais. Ils habitent majoritairement dans la RAAS, dans la ville de Bluefields, Rama Cay et Corn Island. Leur langue principale est l’anglais créole avec comme 2ième langue l’espagnol. Ils sont perçus comme étant fiers de leur identité, culture et langue.

Bien que minoritaires, les créoles ont la plus grande influence sur la vie politique et culturelle de la RAAS. Ils ont aussi le même niveau de scolarité que la population métisse.

Rien n’est simple dans cette région où existe depuis toujours une hiérarchie ethnique, où les discriminations et les inégalités ont été intériorisées et où certains leaders qui avaient lutté pour l’accomplissement de la loi de l’autonomie ont cessé de le défendre et occupent maintenant des postes importants dans l’actuel gouvernement.

Les intérêts économiques l’ont emporté sur les droits ancestraux et les droits humains de la population indigène, créole et garifuna : le droit à la terre, à l’administration des ressources naturelles, l’accès à la santé et à une éducation de qualité etc.

L’anthropologue Margarita Antonio relève cependant les progrès dans le processus d’autonomie pour les populations de la Côte Caribéenne :

- L’éducation bilingue dans l’enseignement primaire et secondaire

- Les universités

- La reconnaissance des droits territoriaux des peuples indigènes et de descendance africaine par la titularisation de 22 territoires et

- La croissance significative du nombre de femmes et d’hommes de la Côte Atlantique dans les instances gouvernement central.

Il faudra poursuivre l’autonomie en fortifiant les gouvernements territoriaux indigènes, mieux contrôler la déforestation, obtenir une plus grande autonomie dans la prise des décisions concernant la région, promouvoir un vrai dialogue interculturel.

Dernière heure

Info du 30 octobre 2016

Lors d’une émouvante cérémonie – en présence de 430 représentants de la Côte Caribéenne- Daniel Ortega, accompagné de Lumberto Campbell, de Johnny Hodgson, chargés auprès du gouvernement des affaires de la Côte caribéenne, et du Procureur Général de la République, a remis le 29 octobre huit titres de propriété communautaires.

Ces titres bénéficient à 17 257 familles habitant dans 92 communautés indigènes et afro-descendantes , ce qui leur garantit une sécurité juridique sur leurs lots ou parcelles.

Cette titularisation se poursuivra durant les prochaines années.

Il a précisé que même si la loi d’établissement des titres de propriété fut approuvée dés 2003, ce n’est qu’en 2007 qu’elle a pu être mise en œuvre au niveau national, après que le gouvernement sandiniste ait retrouvé le pouvoir.