Lettre d’info automne 2018

Bonjour,

L’irruption de la violence le 18 avril au Nicaragua nous a tous pris au dépourvu. Nous avons eu beaucoup de mal à comprendre.

Tout de suite il y a eu une avalanche d’informations terrifiantes, tel Ortega, dictateur qui massacre son peuple etc. Là, je me suis dit qu’il y a vraiment un problème car je connais quand-même ce pays depuis plus de 30 ans. Bien sûr nous avons eu des contacts suivis avec nos amis. Le premier témoignage de Rosario fut accablant et elle s’indigne que les associations des droits humains, les ambassades d’Allemagne et de France défendant seulement ceux qui protestent sans prendre en compte les assassinats de combattants historiques et toutes les atrocités des opposants, ni du rôle joué par une partie de la hiérarchie catholique. Elle écrit : « notre gouvernement n’est sans doute pas parfait, mais nous allions de l’avant et nous étions en paix » Et elle termine sa lettre : « C’est triste ce que nous vivons, mais nous ne nous rendrons pas et continuerons à défendre nos idéaux. »

Je me suis mis à rechercher des informations plus crédibles sur différents sites. Pendant plusieurs semaines j’ai traduit et résumé des articles de journalistes, sociologues etc. pour lutter contre cette monstrueuse désinformation. Ils sont sur notre site.

Toutefois je n’arrive toujours pas à comprendre comment une opposition « pacifique » a pu paralyser tout le pays. Je ne cite que deux exemples :

Pendant plusieurs semaines des centaines de camionneurs des pays voisins et nicaraguayens ont été bloqués par des barricades et harcelés par ces délinquants.
Une petite entreprise familiale élaborant chaque semaine plusieurs centaines de « nacatamales », ce plat typique qu’on mange surtout le dimanche, a dû arrêter son activité parce qu’il était impossible de faire venir des feuilles de bananiers indispensables pour la cuisson à cause des barricades.
Et c’est ainsi que 100 000 personnes ont perdu leur emploi ou gagne-pain. Tout l’enseignement dans les écoles et universités fut interrompu pendant des semaines à cause des dangers, de la difficulté de circulation, des destructions par ces bandes criminelles.


Nous étions et restons en contact permanent avec nos amis nicaraguayens.

La sous-directrice de notre projet éducatif DMMT, Eda, écrit :

« Nous sommes tous affectés par la crise que nous traversons, économiquement, émotionnellement etc. Nous avons dû quitter notre domicile et habiter pendant plusieurs semaines à l’Angelita car nous ne pouvions pas nous rendre au travail à cause des barricades et de l’insécurité. Ce fut aussi le cas pour plusieurs enseignants qui ont été hébergés par des collègues. De cette façon, nous avons pu continuer à enseigner. »

Nos établissements furent les rares centres éducatifs qui n’ont pas suspendu les classes, même ayant des problèmes économiques. En effet, des parents d’élèves ont perdu leur emploi et ne peuvent plus assumer les frais de scolarité et de l’alimentation de leurs enfants.

Yesarela, la directrice du Doris écrit : « La situation du pays n’est pas facile, il y a beaucoup de tensions. Cela se répercute sur les adolescents et ce n’est pas facile à gérer et de trouver un équilibre entre les positions des parents d’élèves. Je ne sais pas où la situation sociopolitique va nous amener, mais il y a beaucoup de tristesse, de douleurs et de confrontations qui ne sont bonnes pour aucune des parties. »

Par ailleurs, les élèves de l’Angelita viennent deux fois par semaine pour des cours d’informatique et lire dans la bibliothèque (qui aurait besoin de nouveaux livres)

A présent, le pays a commencé à réparer les dégâts, presque toutes les routes sont de nouveau praticables, les écoles fonctionnent de nouveau normalement, mais pas encore toutes les universités. La reprise des activités, notamment touristiques ne se fait que lentement.

Il y a régulièrement des manifestations à la fois des opposants que des sandinistes réclamant justice et en faveur de la paix. La police a procédé à des arrestations parmi ceux qui furent responsables de saccages, de destructions ou de barrages. Les rapports de la police concernant ces personnes indiquent que tous ont eu des antécédents judiciaires, des condamnations.

Restent les familles en deuil, les traumatismes et la peur parmi la population.

Toutefois, nos amis ne se laissent pas abattre. La traditionnelle kermesse, c’est à dire la fête du mais, événement à la fois culturel et culinaire a été un succès grâce au travail du personnel et de bénévoles et avec la venue de 600 personnes notamment les parents d’élèves.

Le 15 septembre a eu lieu la célébration des 197 années de l’indépendance pendant laquelle la torche de la liberté parcourt les 5 pays de l’Amérique Centrale.

Salutations solidaires

Ruth Mougel

P.S.

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