lettre info automne 2007

Bonjour,

Cette lettre sera de nouveau centrée sur le Nicaragua.

Vous trouverez le rapport de Philippe François qui a passé l’été avec sa famille dans ce pays et nous sommes toujours heureux d’avoir ainsi des témoignages.

Le 20 octobre, nous avons organisé – ensemble avec l’association Mosaïque qui a des projets au Liban et vend des produits de la Palestine – une fête de la solidarité à Villaroger. Cette fête était animée par le groupe de musique des Andes « La Chicha » et Folk’machine.

Le repas était préparé par Salwa Muller, responsable de Mosaïque. L’ambiance était joyeuse et tout s’est bien déroulé grâce à l’aide de nombreux bénévoles que nous remercions chaleureusement.

Le bénéfice est de 530€ pour chaque association. INTI verse cet argent au projet « Angelita Morales » dont vous trouverez un rapport sur l’année écoulée.

Dans un autre article, nous résumerons quelques événements récents au Nicaragua.

Vu l’impact des agrocarburants sur les populations des pays du Sud, nous joignons un article envoyé par Mélodie, adhérente de INTI pour continuer notre sensibilisation par rapport à ce thème. Nous participons aussi à la Semaine de la Solidarité internationale, toutefois l’organisation sera assurée par l’Espace associatif intercommunal d’Aime.

Vu le peu de bénéfice et les préparations importantes que nécessite le marché de Noël, nous ne participerons pas cette année. Bonne lecture et merci pour votre solidarité.

Ruth Mougel

L’ouragan Félix

(extraits de différents articles de ENVIO du mois d’octobre 07)

Le 4 septembre 2007, l’ouragan Félix a frappé durement la Côte Atlantique du Nord (RAAN) du Nicaragua. Il a dévié du cours prévu par les météorologues et la population n’a été avertie qu’au dernier moment, donc trop tard pour beaucoup. Le nombre de morts et de disparus n’est toujours pas connu. (entre 235 et 500 personnes) Le désastre est à la fois matériel et spirituel. La tragédie a touché l’âme collective et celle de chaque famille. Le peuple miskito et mayangna est en deuil, de même que les créoles de Bilwi et les métisses de la Caraïbe. La zone dévastée représente le quart du territoire nicaraguayen. L’ouragan est entré directement dans la réserve biologique des « Cayos Miskitos » détruisant les récifs de corail et les mangroves. Il a touché terre avec une vitesse de 260 km/heure.

Des centaines de femmes, hommes et enfants se trouvaient dans « los Cayos » et au matin, à Bilwi, on entendit les lamentations rituelles pour ceux que la mer a engloutis. Le chiffre officiel des victimes est de 198 000 sur une population de 300 000 personnes. 377 communautés ont été détruites, de même que des églises et des écoles. Les victimes dans leur grande majorité ont tout perdu après que les tôles de zinc des toits se sont envolés comme des feuilles de papier. Ils ont aussi perdu les arbres fruitiers, les animaux, et le riz, les bananes plantains, le manioc, tout ce qu’ils avaient semé. Les rivières comme le rio Coco, le « granWanki » et d’autres, en débordant de plusieurs mètres ont tout arraché sur leur passage. L’eau, la terre sont contaminées.
Dans les mangroves se trouvent toujours des substances chimiques naturelles et comme elles ont été emportées par l’ouragan, les poissons et la terre ont été empoisonnés. L’eau de mer salée qui a envahi les terres les rend improductives. C’est ainsi tout un équilibre naturel qui a été détruit. Le désastre écologique est incommensurable. On calcule que plus d’un million et demi d’hectares de bois ont été arrachés, détruisant bien sûr aussi l’habitat des animaux sauvages. Six aires protégées sont détruites, la zone d’amortissement de la Réserve de la Biosphère de Bosawas est endommagée. La partie centrale, le poumon de l’Amérique Centrale, a heureusement résisté. Avant même le passage de l’ouragan, historiquement la région autonome de l’Atlantique Nord était hautement vulnérable. Le passage de l’ouragan a encore empiré la situation. Alta Hooker, rectrice de l’Université des régions de l’Atlantique (URACCAN) constate qu’en plus de tous les dommages, le fait le plus grave est que ce désastre a secoué la structure même des communautés en détruisant le territoire où les esprits maintiennent l’équilibre de la vie et où passent les pensées des ancêtres Le peuple mayangna qui vit dans la réserve naturelle de Bosawas ne parle pas de biodiversité, il a ses propres normes et régulations pour maintenir la forêt et les animaux. Dans leur cosmovision, la biodiversité signifie l’articulation de tous les esprits de la vie qui la reproduisent et la conservent pour que la communauté des hommes, des femmes, des enfants puissent vivre sans détruire cette vie. Par exemple si quelqu’un chasse trop d’animaux, il devient malade parce qu’il rompt l’équilibre des esprits qui contrôlent l’eau, les mers, la forêt, l’air, les semailles.

Le défi pour ces peuples est maintenant de décontaminer l’eau et la terre et de reconstruire l’équilibre et l’harmonie. Une tâche très difficile et longue. Chez les peuples de cette région, on parle de maladie spirituelle, le Grisis Sigui. Ce sont seulement les médecins traditionnels qui peuvent guérir. L’organisation communautaire a identifié 32 affections possibles dans cette étape de crise. Une d’elles est l’ « Isingni », la maladie qui affecte quelqu’un lors qu’ un membre de la famille ou un proche meurt et que son esprit ne trouve pas la paix à cause d’une mort traumatique. Pour eux, la médecine traditionnelle ne consiste pas seulement dans la connaissance et l’emploi des plantes médicinales. Elle va plus loin : la façon de couper un arbre, de préparer un médicament, le rituel dans l’application du médicament sont déterminants pour l’efficacité. Il y a des religieux prêchant que l’ouragan est un châtiment de Dieu accusant les gens de ne pas avoir suivi les commandements.

Cela était déjà le cas lors de l’ouragan Mitch. L’église morave a une grande influence dans les communautés. Un de ses défis majeurs est de ne pas culpabiliser les gens. Alta Hooker parle aussi de la grande vague de solidarité de toutes les régions du Nicaragua, de la société civile, des universités et des organisations nationales et internationales. Mais elle met en garde contre les équipes de psychologues et autres qui arrivent sans rien connaître de la cosmogonie et la façon de voir le monde de la population et qui décident sans concertation.
« Nous ne voulons pas être assistés. Nous souhaitons que les choses ne se fassent pas pour nous, mais avec nous »
 « Nous devons utiliser toute notre énergie dans la reconstruction, travailler d’une façon cohérente et aider les gens à sortir de cette sensation de vide et de perte qui règne aujourd’hui dans nos communautés »

Le Nicaragua en bref : bonnes et mauvaises nouvelles

Tourisme
Il y a de plus en plus de possibilités de passer de bonnes vacances au Nicaragua. Un petit guide d’écotourisme nous est parvenu avec des adresses de fermes et de coopératives qui accueillent des touristes nationaux et internationaux de façon très sympathique. Ceci permet de connaître les différentes régions du Pacifique, tout en ayant des contacts avec la population dans leurs activités quotidiennes. Ceux qui veulent connaître le pays peuvent nous contacter.


Ateliers Constellation
 Il y a maintenant 4 ateliers peinture : à Managua, Chinandega et Niquinohomo. Sylvaine Remy (responsable de Constellation) et son mari sont actuellement au Nicaragua pour la célébration du 8ième anniversaire du premier atelier avec une grande exposition à Granada. De plus, un organisme nicaraguayen les a sollicités pour un concours sur le thème de « Noël », quelques peintures d’enfants seront sélectionnées pour en faire des cartes postales.


Solidarité
 La commission Jeunes de la Casa Comunal de Chinandega a été très active en organisant une collecte pour les victimes de l’ouragan Félix. Puis une autre collecte pour les victimes des pluies diluviennes qui se sont abattues pendant cinq semaines sur l’occident du pays. Pendant plusieurs jours, les habitants ne pouvaient même pas sortir de leurs maisons pour aller au travail. Le prix des aliments a fortement augmenté dû à la perte des récoltes.

Épidémies
Suite à ces fortes pluies, une épidémie de leptospirose s’est déclarée, remplissant les hôpitaux. On dénombre déjà 9 morts et des centaines de personnes infectées.

Les victimes du Némagon
Plus de 2000 hommes et femmes, anciens travailleurs des plantations de bananes de l’occident campent depuis des mois face à l’Assemblée Nationale pour réclamer leurs droits à l’indemnisation. Ils sont tous victimes du pesticide Némagon employé dans les années 1960, 70 jusqu’au début 80 par les multinationales de la banane. Ils sont partis à pied, le 20 mai de Chinandega (140 km de Managua). C’est la 5ième marche depuis 1999. Ils vivent dans 450 abris faits de plastique, de cartons et de branches, sans eau potable, ni électricité, ni sanitaires. Ils attendent l’accomplissement des accords arrachés aux gouvernements précédents : soins médicaux gratuits et soutien économique.

 Le scandale de l’avortement
Le Nicaragua est un des rares pays qui fait des femmes, des médecins et du personnel de la santé qui pratiquent l’avortement, des délinquants. L’avortement thérapeutique était légal depuis 1837 jusqu’à octobre 2006. Le 13 septembre, 66 députés de l’Assemblée Nationale ont ratifié la pénalisation. Le FSLN cautionne la position de l’Eglise Catholique et des églises en général et maintient la pénalisation malgré les protestations des mouvements de femmes et d’organisations nationales et internationales. Depuis un an, 80 femmes sont mortes à cause de la négligence et de la peur que cette pénalisation a engendré dans les services publics de santé. Toutes les femmes qui sont mortes étaient pauvres.

Projet éducatif « Angelita Morales »

Nous rappelons que ce projet veut donner une opportunité aux enfants et adolescents qui d’une manière ou d’une autre ont dépassé l ‘âge normal de la scolarité. L’enseignement primaire se fait ainsi en trois années au lieu de six. Le premier cycle est pour les enfants à partir de 10 ans. Le deuxième cycle est pour les enfants de plus de 12 ans. Le troisième cycle est pour les adolescents à partir de 14 ans.

Chaque cycle est assuré par un instituteur. Il y a aussi des enseignants pour la boulangerie, la cuisine, les travaux manuels et un atelier peinture. La majorité de ces enfants sont en situation de risque social et viennent de familles très pauvres, souvent nombreuses, avec des parents qui ont aussi des problèmes de chômage, d’alcoolisme, de drogue,et où règne une violence familiale. Le projet cherche à donner aux enfants un développement intégral pour substituer les relations inadéquates dont ils pâtissent dans leurs foyers, en leur apportant de l’affection, des valeurs humaines et morales. En plus de la scolarité, ils reçoivent une initiation aux métiers de boulanger et de jardinier, ainsi que des cours de cuisine et de peinture. Cela devrait leur permettre d’avoir une attitude plus positive envers le travail et les aider à subvenir à leurs besoins. Les cours de boulangerie sont donnés deux fois par semaine par Isabel qui a appris le métier dans le projet. Après ils font le pain et les pâtisseries.

Elle est aidée par un jeune, Ezequiel. Une partie de la production est vendue dans le centre, une autre partie à l’entrée du CDI quand les parents viennent chercher leurs enfants. La sœur de Rosario, Loly, qui a une mini-épicerie, en vend aussi. Pour les cours de jardinage, un jeune étudiant en agronomie assurait l’enseignement pratique et théorique jusqu’à septembre d’une façon très sérieuse, mais il a trouvé un travail mieux rémunéré et le poste est vacant pour l’instant. Les enfants apprenaient à faire des boutures de plantes, à repiquer et à cultiver quelques légumes. Pour l’instant cette activité est surtout une approche au métier de jardinier. C’est toujours le manque de financement qui empêche de développer davantage cette branche. L’activité qui a le plus de succès est le cours de cuisine. Tous veulent y assister car après la préparation du repas, ils ont droit de manger.

Certains ont appris à faire des tortillas. Ces initiations constituent un premier pas pour que ces enfants et adolescents s’intègrent de manière effective dans les tâches que la société leur demande. Cette année scolaire 2007, 52 élèves entre 10 et 16 ans ont été inscrits. Dns le premier cycle, tous les enfants ont réussi leur scolarité, dans le deuxième 90% et dans le troisième 80%. La principale cause de l’échec scolaire fut le manque d’assistance régulière à l’école. Certains sont des enfants travailleurs ce qui les empêche de venir régulièrement, d’autres n’ont pas réussi parce que, dans leurs foyers, ils ne sont pas encouragés à étudier. Il faut beaucoup de volonté de leur part pour saisir cette chance qui leur est donnée.

La scolarité est gratuite pour eux et s’ils le souhaitent, ils peuvent redoubler. Depuis peu, l’association DMMT loue un emplacement dans le petit supermarché paysan du CIPRES, récemment ouvert à Managua. Dans cette petite cafétéria, ils vendent du café, des jus de fruits naturels préparés par les élèves et la production de la boulangerie. Elle est tenue par José Ramon, responsable de l’Angelita Morales et d’une mère de famille pendant les jours de la semaine et par Dominguita, l’enseignante des cours de cuisine, en fin de semaine. Les plantes, fruits et légumes cultivés par les élèves sont également vendus dans ce petit supermarché. L’avenir montrera dans quelle proportion cela peut contribuer à l’autofinancement du projet.

Le projet continuera l’année prochaine avec le même programme et les mêmes enseignants.