Le système pénitentiaire nicaraguayen

Dans un article paru dans la revue Visión Sandinista (mai 2010, n°181), la Ministre de l’Intérieur du Nicaragua (Ministerio de Gobernación) Ana Isabel Morales exprime sa satisfaction quant à l’amélioration des conditions de détention dans les prisons nicaraguayennes et la prise en compte des Droits de l’Homme. L’occasion d’esquisser un état des lieux du Système Pénitentiaire du Nicaragua (SPN).

L’augmentation de la population, l’extrême pauvreté, l’exclusion sociale et la faiblesse du système judiciaire sont quelques-uns des graves problèmes qui affectent les sociétés d’Amérique Centrale et qui expliquent le dysfonctionnement du système pénitentiaire au Honduras, au Nicaragua, au Guatemala, au Salvador et au Costa Rica. Le Nicaragua, qui doit faire face à des problèmes budgétaires, d’infrastructure et de surpopulation carcérale, est toutefois considéré comme le pays de la région doté du système pénitentiaire le plus avancé en terme de réhabilitation sociale des détenus. Actuellement, le pays compte huit centres pénitentiaires et quelques 6100 détenus. Dans une interview donnée à Revista En Vivo (29 octobre 2010), María Salgado, Directrice du SPN, explique que le pays est passé en 1979, date de la Révolution sandiniste, d’un modèle oppressif et répressif à un traitement plus humain des détenus. Dans les années 80, le gouvernement sandiniste construisit les Centres Pénitentiaires actuels (à l’exception de La Modelo qui date de 1963). En 1984, grâce aux Statuts des Droits et des Garanties des Nicaraguayens, on put parler pour la première fois de Système Pénitentiaire à caractère rééducatif, visant à réintégrer le détenu dans la société. A cette époque 28 fermes de réinsertion par le travail agricole furent créées, puis privatisées dans les années 90, entrainant une surpopulation carcérale dans les prisons traditionnelles.

Aujourd’hui , le Ministère de l’Education joue un rôle fondamental dans le Projet de Formation Professionnelle qui vise à faciliter la réinsertion des détenus dans la société et qui a formé 9.219 prisonniers de 2007 à 2010. De même, 2000 détenus ont été alphabétisés grâce au Programme « Yo Sí Puedo ». Une formation scolaire est proposée aux jeunes détenus et leur permet de recevoir un enseignement allant du primaire à la formation universitaire par concours depuis 2008, ce qui constitue un des rares cas en Amérique Latine.

Plus étonnant encore, grâce au soutien de l’Unival (Universidad Internacional de la Integración de América Latina) et de l’Office du Procureur des Droits de l’Homme, 273 détenus ont obtenu, cas unique au monde, un Diplôme en Droits de l’Homme, qui leur permet de connaître et de faire valoir leurs droits et ceux de leurs codétenus. Laura Chinchilla, la Présidente du Costa Rica voisin, s’est dite séduite par cette initiative innovante.

Les Olympiades Culturelles ou le Championnat Sportif National des Détenus sont autant d’exemples de la volonté de rénovation du SPN impulsée par le Gouvernement de Réconciliation et d’Unité Nationale. De plus, le gouvernement sandiniste a réalisé de gros investissements (51.393.185 córdobas soit environ 1.696.000 €) afin de rénover les prisons du pays et de créer un nouveau centre pour femmes à Guanacastillo, mieux adapté aux spécificités des détenues féminines.

Dans l’article de Visión Sandinista, la Ministre Ana Isabel Morales affirme que tous ces dispositifs ne sont pas étrangers au fait que le Nicaragua présente le taux de récidive le plus bas de la région, autour de 11% (contre une moyenne de 37 à 42% en Amérique Latine). Bien sûr, ces avancées remarquables ne sauraient occulter les graves difficultés qui persistent dans le système pénitentiaire nicaraguayen. Comme le souligne le rapport du Centro de Estudios de Guatemala, 31% des détenus le sont sans avoir encore été jugés et condamnés. L’Etat n’investit que 0.50 $ par jour pour un détenu. Bien que variable d’un centre pénitentiaire à l’autre, la surpopulation carcérale reste d’actualité (moyenne de 104% d’occupation). Il manquerait environ 300 agents pénitentiaires pour un fonctionnement correct des prisons. Ceux-ci perçoivent d’ailleurs le salaire le plus bas des fonctionnaires du pays, autour de 1200 córdobas mensuels.

Sources - « Mingob sólido y fortalecido » in Visión Sandinista n°181, mai 2010.

- “Las cárceles y la justicia en Nicaragua” in Envío n°64, octobre 1986. http://www.envio.org.ni/articulo/500 - « Sistema penitenciario », in Adital, juin 2006. http://www.adital.com.br/site/noticia2.asp?lang=ES&cod=22797

- Interview de Carlos Nájar (Vice-ministre de Gobernación) et María Salgado (Directrice du Système Pénitentiare National) par Alberto Mora, Revista En Vivo, 29 octobre 2010. http://tortillaconsal.com/tortilla/node/7075

- “Sistema penitenciario: el reto de la rehabilitación”, Centro de Estudios de Guatemala. http://alainet.org/active/11699&lang=es#_ftn18