Chinandega - récit de Joseph

Chinandega – La Casa comunal San Cristobal du quartier Roberto Gonzalez transformée en coopérative multiservices en novembre 2009 – le cybercafé en fonctionnement – Récit de Joseph Il y eut deux séjours à Chinandega ; un premier où nous fûmes trois, Ruth, Heidi et moi et qui a duré trois jours ; un second où je suis retourné seul du mardi au vendredi de la dernière semaine.



bicitaxi


Pour ces deux séjours nous fûmes accueillis à nouveau chaleureusement dans la famille de Ermelinda, une vieille amie de Ruth puisqu’elle fut la première personne qu’elle avait rencontrée lors de son premier voyage en 1986. Ermelinda était alors, à la fois, une militante sandiniste et du mouvement des femmes AMLAE. Pour gagner sa vie, elle vendait des fruits et légumes sur le marché de Chinandega ce qui l’obligeait à aller une fois par semaine en pleine nuit avec un camion chez un grossiste à Managua à 130 km de là. Elle avait alors une maison en dur, mais sommaire comme la plupart des maisons du quartier. En 2008, nous avions déjà observé une amélioration de sa maison et une extension par sa petite-fille après que celle-ci ait fait un séjour d’un an à Saragosse en Espagne pour s’occuper d’une personne âgée. Cette amélioration s’est poursuivie depuis grâce, notamment à Argentina, fille d’Ermelinda, qui a aménagé dans la maison son cabinet d’avocat avec son ordinateur et son accès et internet, grâce aussi au compagnon d’Argentina, vice-recteur d’une université de la ville. Ermelinda âgée de 74 ans ne va plus au marché, mais a un petit revenu en louant 3 vélos-taxis dont on voit un grand nombre dans la ville.

L’évolution du quartier Roberto Gonzalez

J’ai fait connaissance avec le quartier en 1989 et j’ai le sentiment un peu triste qu’il n’a pas beaucoup changé. L’école primaire Juan B. Zelaya a été entièrement rénovée en 2003 grâce aux financements du FISE . Elle est entourée de hauts murs et les rues qui l’entourent sont pavées. De même est pavée la rue menant à l’hôpital España, mais toutes les autres rues sont toujours en terre avec ce que cela suppose de grandes flaques pendant les pluies et sinon de poussière…

Humberto (Beto) nous guide pour la promenade du premier jour. Il nous dit que de nouveaux habitants continuent à arriver en provenance de la campagne ou même d’autres régions. La multinationale DOLE s’est retirée en grande partie de la bananeraie voisine suite à la plainte dont elle a été l’objet pour les dommages à la santé de ses travailleurs du fait de l’usage du pesticide interdit NEMAGON . Cette bananeraie demeure une source d’emplois pour les habitants du quartier mais essentiellement à l’époque de la récolte. Dans le secteur de l’hôpital España, les travaux de pavage des rues sont en cours, mais ce n’est pas encore le cas près de la « casa comunal ». La municipalité entreprend les travaux dés lors qu’elle obtient une participation volontaire des habitants. Il suffit souvent d’un refus de la part d’une famille pour que les travaux soient reportés à une rue voisine. À ce rythme, compte tenu de la surface du quartier, il faudra encore attendre…

Mais heureusement, il y a la végétation, vive les tropiques surtout durant la saison des pluies !


calle del barrio

Malgré tout, il ne faut rien voir figé. On voit apparaître des services publics, comme celui du ramassage des ordures : un tracteur agricole avec une remarque passe dans la rue. Les travailleurs manquent encore de soin en jetant simplement depuis la remorque les sacs une fois vidés devant les maisons. Les habitants eux-mêmes pourraient organiser des points de regroupement, ce qui semblerait assez facile lorsque voit des adultes semblant désœuvrés pendant de longues heures… Mais un progrès est en cours. Au cours de cette promenade de (re)découverte du quartier, nous revoyons aussi des personnes connues : Nubia et ses enfants et désormais petits-enfants, Reyna et ses quatre enfants… Accueil toujours chaleureux. Mais une question : la « Casa comunal » est tout près de chez eux, mais ils ne la fréquentent pas… Il n’est pas encore réalisé - en tous cas, pas encore entièrement ! -, notre rêve que cette maison soit vraiment « communale », c’est-à-dire qu’elle soit le lieu où, sans exclusive ni discrimination, le maximum de personnes puissent s’organiser pour se former, apprendre un savoir-faire, un métier, se distraire, apprendre et jouer de la musique, proposer des activités aux enfants… et aussi, être le correspondant des pouvoirs publics locaux pour rendre le quartier plus vivable…

La Casa comunal San Cristobal devenue en novembre 2009 le siège d’une coopérative multiservices avec sa première activité : le cybercafé

Après la promenade, la « Casa comunal » elle-même. Désormais, l’enseigne n’est plus Casa comunal, mais « coopérative COMUCRIS » mais notre logo INTI est lui aussi bien visible ! Visiblement, nos partenaires ont voulu mettre, aux yeux de tous, l’accent sur la coopérative (créée en novembre 2009) avec son caractère multisectoriel. Ce faisant, ils s’inscrivent dans le mouvement national voulu par le gouvernement sandiniste présidé par Daniel Ortega, qui voit dans les coopératives le seul moyen démocratique de sortir de la pauvreté. La question est peut-être que la coopérative appartient à ses membres, mais qu’en est-il alors de ce qui fut le projet de la « Casa comunal », il y a 10 ans ? Nous abordons cette question plus loin. Mais ils ont mis tout autant l’accent sur la première activité nouvelle de la coopérative : le cybercafé « Frances Friend’s Ciber » !


rotulo cybercafé

Le cybercafé est installé dans l’ancien bureau qui était dédié à l’administration et à la gestion du microcrédit. Un nouveau bureau est désormais installé, après avoir fait construire des murs avec 2 fenêtres et 2 portes revêtues de métal, sous le toit en tôle sur une structure métallique qui servait d’abri pour les réunions ou des activités artistiques. Dans ce bureau sont en service les 2 anciens ordinateurs existant avant le cybercafé, le 3ème ayant été démantelé pour augmenter la puissance des 2 premiers. Aucun de ces 3 ordinateurs n’a donc été affecté au cybercafé comme nous l’avions pensé.

Les murs du patio sont aussi surmontés d’un rouleau de fil de fer barbelé. Avec Don Celso, le vigile qui y dort toutes les nuits, la « casa comunal / coopérative » est bien protégée. Vu de France, cela nous paraît quelque peu un luxe de précautions, mais ce fut certainement le prix à payer pour qu’elle ait été maintenue jusqu’à ce jour en très bon état. Cependant concernant la sécurité, alors que nous rentrions assez tard le soir le dernier jour de mon séjour, je ferai observer à mes compagnons que je sentais une ambiance plutôt paisible dans le quartier. Ils me répondirent qu’il y a quelques années, il avait plus de délinquance et de tensions mais que la police avait entrepris d’organiser – et cela s’est passé le plus souvent dans les locaux de la Casa comunal elle-même - des séances de discussion et d’échange avec les jeunes du quartier qui avaient tendance à se regrouper en « pandillas » c’est-à-dire en bandes pouvant devenir dangereuses. Et cela a porté ses fruits !

Le cybercafé est ouvert de 8 H du matin jusqu’à 21 H avec des pointes de fréquentation en fin de journée pour l’accès à internet. Il fonctionne avec l’ordinateur « maître » (sur lequel est installé le logiciel de gestion mesurant les temps d’utilisation et le coût correspondant) et les 6 autres ordinateurs neufs achetés avec l’apport de INTI. Ce sont trois sociétaires qui accueillent majoritairement les utilisateurs et se chargent de l’animation et de la gestion du cybercafé : Juan Carlos, Juan Alberto et Ubania. Je n’ai pas pu faire de statistiques ni exploiter les données du logiciel de gestion, mais j’ai pu observer que les utilisateurs des ordinateurs sont majoritairement jeunes car déjà familiarisés avec l’outil. Les animateurs apportent leur appui dans l’utilisation du matériel mais aussi dans l’utilisation des logiciels, notamment les étudiants pour leurs études. Ils reçoivent aussi des appuis extérieurs et j’ai fait ainsi connaissance avec un jeune homme de 26 ans originaire de El Viejo très sympathique et très ouvert, étudiant en ingénierie de système d’information qui met actuellement au point un logiciel permettant de faire la gestion intégrale d’une ferme avicole : calcul des intrants nécessaires, production des œufs et des poulets, comptabilité et gestion financière.

Comment fonctionne réellement la coopérative…

Elle a 25 sociétaires composés de 8 hommes (32 %) et 17 femmes (64 %) d’un âge médian de 38 ans. 16 sociétaires soit 64 % ont un niveau d’études supérieur au baccalauréat . Cependant, dans les faits – mais en est-il autrement dans la plupart des associations en France ? - une dizaine, pour le moment, y sont réellement actifs. Le conseil d’administration est présidé par Gelsomina, 72 ans, vieille militante sociale, mère d’un fils tué durant la guerre opposant le Nicaragua à la « contra » durant la décennie 1980-1990. Gelsomina fut l’âme et la garantie morale de la « Casa comunal » et conserve ce rôle. Depuis la construction de la « casa comunal » sa préoccupation constante fut de la conserver en bon état compte tenu de l’expérience qu’elle avait d’autres « casa comunal » qui faute de dirigeants avec une autorité et une intégrité suffisante, avaient été progressivement abandonnées, avaient vu leur équipement volé ou endommagé ou même étaient devenues la propriété d’une personne privée. Gelsomina vit donc avec un peu de méfiance, avec cette idée de l’insuffisante « culture du bien commun » parmi les habitants du quartier. Il faut lui reconnaître aussi cette grande qualité d’avoir su impliquer une nouvelle génération, mais avec l’inconvénient que plusieurs membres de cette dernière appartiennent à sa famille. L’enjeu du futur sera donc : plus de confiance et plus d’ouverture…

Les autres membres du conseil d’administration :!!!! • Juan Alberto, 24 ans. Il a étudié la littérature à l’université. Dans la coopérative, il est caissier du microcrédit et animateur du cybercafé. Autrefois, il fut l’un des membres du groupe de danse folklorique qui fonctionnait dans la casa comunal… Je l’ai interrogé sur l’intérêt de faire revivre une telle activité culturelle. À suivre….

• Jorge Luis, 21 ans. Il est étudiant à l’université de Leon en gestion actuarielle et des assurances. Il est le petit fils de Martha qui fut l’une des animatrices historiques du Comité Probienestar Comunal et de la Casa comunal depuis sa construction et il vit avec elle. Il a la fonction de secrétaire du conseil d’administration mais, issu d’une famille pauvre avec trop peu de ressources financières, il est encore un peu timide pour prendre toute sa place dans le conseil. Mais il est volontaire et désireux d’apprendre le plus possible à l’université pour conquérir rapidement son autonomie. Quant à sa grand-mère, membre également de la coopérative, elle se consacre à sa « pulperia » et semble désireuse de se retirer quelque peu.

• Ubania, 35 ans, petite-fille de Gelsomina, mariée 1 enfant. Elle est ingénieur en systèmes d’information après 5 ans d’études à l’université. Au conseil d’administration, elle est trésorière et dans la pratique elle s’occupe aussi du cybercafé.

• Primitiva, 49 ans, mariée 2 enfants. Elle a le baccalauréat mais est femme au foyer. Au conseil d’administration, elle est «vocal » c’est à dire porte parole. Je ne l’ai pas rencontrée.

À côté du conseil d’administration, il a aussi un conseil de surveillance :!!!! • Freddy, 26 ans, a étudié la comptabilité publique et les finances. Il est coordinateur du conseil. Freddy fut un des piliers de la casa comunal, notamment en tant qu’animateur des ateliers de peintures pour enfants « Constellation ». Marié récemment et se consacrant davantage à son nouveau travail de responsable de magasins d’approvisionnement de plusieurs exploitation agricoles, il s’est éloigné de la casa comunal et de la coopérative. Espérons que cela ne sera que provisoire.

• Karla, 36 ans, célibataire, également apparentée à Gelsomina. Elle est étudiante en droit avec l’espoir de devenir avocate spécialisée en droit pénal et en droit du travail. Elle est secrétaire du conseil de surveillance.

• Juan Carlos, 27 ans, 1 enfant à charge. Il est technicien en maintenance d’ordinateurs. Pour gagner sa vie il a aussi travaillé dans un atelier de menuiserie du quartier. Il est porte parole du conseil de surveillance et concrètement, il est l’un des principaux animateurs du cybercafé. Par ailleurs il a remplacé Freddy dans l’animation des ateliers de peinture pour enfants « Constellation » qui porte le nom de Guardabarranco, l’oiseau national du Nicaragua. Juan n’a pas de formation artistique, mais il est volontaire désireux d’apprendre. Grâce à Ruth, Il s’est rapproché pour cela de Sylvaine REMY, présidente de Constellation à St Michel de Maurienne. La mère de Juan Carlos, rencontrée dans une réunion avec les habitants, est femme au foyer, déléguée du parti sandiniste dans le quartier, avec une parole volontaire, mais, visiblement, la famille a des ressources financières très réduites.

Mais n’oublions pas non plus : • Humberto, dit Beto, 26 ans, célibataire. Il a étudié, comme Freddy, la comptabilité publique et les finances. Il est membre du comité de crédit et il se charge de la comptabilité. Il fut le maître d’œuvre de l’investissement du cybercafé et mon principal partenaire durant cette phase et durant mon séjour sur place. Son père a certainement une qualification professionnelle un peu plus élevée que la moyenne puisqu’il est technicien d’aviation et à ce titre a fait récemment un stage de perfectionnement sur les hélices aux USA. Beto a aussi été chargé par Ada SOZA de la FECODESA de suivre la comptabilité de plusieurs coopératives agricoles du département de Chinandega. Il a pu ainsi faire connaissance avec son amie / fiancée, fille de la présidente d’une de ses coopératives et il a acquis une bonne connaissance de la problématique des coopératives rurales. À ce titre, il a suivi récemment une formation de plusieurs jours avec de jeunes membres de coopératives, formation qu’il a trouvé très stimulante…

• Mireya, 65 ans, technicienne en comptabilité. C’est elle qui avait repris en main le microcrédit après l’ouverture de la casa comunal avec un succès certain. Cependant, à la fin de sa gestion, faute peut-être d’avoir rédigé et appliqué un règlement du microcrédit, elle a attribué des prêts à sa propre famille et certains n’ont pas encore remboursé. Malgré tout, elle reste membre du comité de crédit et demeure une militante sociale reconnue dans le quartier.

• Don Celso, 63 ans. C’est le vigile de la Casa comunal où il passe ses nuits et pendant la journée il est aussi porte-faix au marché central de Chinandega. Il est très dévoué à sa fonction et il a été aussi animateur d’une équipe de softball féminin qui a gagné plusieurs championnats. L’indemnisation qu’il reçoit pour la vigilance est faible et dû être réduite au vu des seules ressources disponibles, à savoir celles du microcrédit. Sa maison est tout près de la Casa comunal. Elle a de nombreux occupants mais n’a qu’un sol en terre battue. Lui-même maîtrise difficilement la lecture cela d’autant plus qu’il n’a pas de lunettes. J’espère avoir contribué à résoudre ce problème et j’ai aussi demandé aux jeunes membres de la coopérative de l’aider à compléter son apprentissage de la lecture et, je l’espère, de l’écriture…

La gestion de la coopérative

La gestion financière de la coopérative et sa capacité de faire face à ses coûts de fonctionnement et de créer de nouvelles activités est ma grande préoccupation. Pour le moment, elle n’a que deux sources de financement, sa source de financement traditionnelle et pratiquement unique depuis 2001, les intérêts du microcrédit et, depuis son ouverture le 14 février 2011, le cybercafé.

Les derniers comptes que Beto m’avait fait parvenir avant notre voyage correspondaient à la période du 1er avril 2010 au 28 février 2011, c’est-à-dire à la période antérieure au cybercafé financée uniquement par le microcrédit. Or, ceux-ci faisaient apparaître un déficit, en comparant les encaissements effectifs d’intérêt et les coûts de fonctionnement. D’où problème : si un tel déficit se poursuit, inévitablement dans l’avenir la coopérative verra diminuer le capital susceptible d’être prêté jusqu’à atteindre un problème extrêmement sérieux de trésorerie…

Cependant, si on compare aux coûts supportés non seulement les intérêts encaissés mais aussi les intérêts dus, le déficit disparaît et il y aurait même un excédent. La question devient dés lors : les débiteurs d’intérêts pourront-ils réellement payer ce qu’ils doivent ?

J’ai aussi observé que si Beto a certainement une bonne formation, il n’a pas appliqué avec toute la rigueur requise le principe comptable de base de la partie double, d’où une incertitude sur la fiabilité des données. Ceci s’explique par le fait qu’il ne dispose pas d’un logiciel comptable avec des contrôles automatiques, mais seulement d’un tableur Excel avec d’importants risques d’erreurs de report.

J’ai donc déjà envisagé avec Beto - et je travaillerai prochainement sur le sujet - de doter la coopérative d’un logiciel de gestion intégré et, d’autre part, de lui montrer comment établir « balance âgée » des débiteurs de microcrédits, car bien entendu plus une créance est ancienne, plus les chances d’être remboursé se réduisent. Je lui proposerai d’établir un budget prévisionnel pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 pour que la coopérative prenne des décisions correctes et ne se laisse pas surprendre par une évolution de ses finances qu’elle n’aurait pas prévue.

Mais heureusement, après 4 mois de fonctionnement (février à mai 2011), le cybercafé dégage quant à lui un excédent de fonctionnement de 33 % des recettes (1/3) et de 11,5 % de celles-ci si on déduit l’amortissement de l’équipement. Ce délai était encore trop court pour dire que le cybercafé avait d’ores et déjà atteint sa « vitesse de croisière », raison pour laquelle les recettes n’avaient pas encore atteint les prévisions.

Comme déjà mentionné, le cybercafé dispose d’un logiciel pour sa gestion et j’inciterai Juan Carlos et Beto à l’utiliser davantage car j’ai pu observer que certains utilisateurs du téléphone paient moins que les coûts de communication supportés par la coopérative, ce qui bien sûr aurait dû attirer l’attention.

Les projets de la coopérative

La coopérative a pu avoir, grâce à la municipalité de Chinandega, une rencontre avec la CEPRODEL, une ONG nicaraguayenne de développement local, et la fondation LA BASE une ONG crée en 2005 basée à New York se consacrant au financement de coopératives de production en Amérique Latine. LA BASE est intervenu beaucoup et avec succès en Argentine et elle a désormais une délégation dans la ville de Leon au Nicaragua.

Les principes d’intervention de LA BASE paraissent tout à fait conformes avec ce qu’on appelle en France et dans le monde l’ « économie sociale » : • Favoriser l’autogestion collective de groupes travaillant avec des règles participatives et démocratiques • Le projet susceptible d’être financé fait l’objet d’une co-élaboration entre la coopérative et LA BASE, le montant du microcrédit et sa durée sont fonction de la rentabilité prévisionnelle et le contrat doit être approuvé en assemblée générale et l’exécution est suivie par les deux partenaires. Le remboursement du prêt est conditionné par le succès du projet. Il n’y a pas d’autres garanties que le projet lui-même. Si le succès n’est pas au rendez-vous, LA BASE se considère comme co-responsable et reprend contact avec son partenaire non pour exiger le remboursement immédiat mais pour travailler sur un nouveau scénario.

La coopérative COMUCRIS avait envisagé à l’origine - comme ses statuts l’avaient prévu dés le début - de proposer un projet de distribution , dans le quartier de « grains de base » (maïs, riz, haricots rouges) et autres produits agricoles (viande de bœuf et de porc, œufs, fromage, fruits et légumes + produits d’entretien de la maison) issus pour l’essentiel de petits producteurs du département de Chinandega, souvent eux-mêmes regroupés en coopératives. Ce faisant, elle aurait pu offrir des débouchés nouveaux et sûrs aux agriculteurs et un approvisionnement régulier aux habitants à un prix plus faible. Cependant en approfondissant, plusieurs problèmes ont surgi : → Le montant de l’investissement envisagé : 25.000 $ pour construire un magasin et acheter le matériel de réfrigération, sans omettre l’acquisition du stock de départ. Or LA BASE a jugé ce montant trop important pour un premier projet ; → L’espace nécessaire : En effet, la Casa comunal n’a plus guère d’espace disponible et le patio a déjà été fortement réduit, à moins d’occuper la « grande salle » mais alors les activités sociales et culturelles réalisées depuis 10 ans dans la Casa comunal ne seront plus possibles. Il y aurait donc eu un changement radical de fonction, ce que ni nous-mêmes en tant qu’INTI, ni les habitants du quartier, nous ne pouvions envisager favorablement → Par ailleurs ces 25.000 $ ne comprennent pas l’acquisition d’un véhicule alors que ce dernier paraît nécessaire autant pour prendre livraison que pour livrer en gros → Le projet pourrait nuire aux nombreuses pulperias existantes dans le quartier, à moins, de manière volontariste, d’y associer les propriétaires de celles-ci (majoritairement des femmes), en leur proposant de devenir sociétaires de la coopérative.

Ce projet reste néanmoins intéressant, car il appartient bien aux coopératives – notamment celles qui sont dans la FECODESA – d’intervenir dans la « chaine de valeur » allant du producteur au consommateur final, afin d’en équilibrer tous les maillons notamment ces deux derniers qui sont traditionnellement les plus faibles. Mais il paraît encore prématuré.

Aussi la coopérative revient-elles à des projets plus modestes et dans la continuité logique de ce qui a déjà été entrepris : → Avec l’argent encore disponible sur le projet de cybercafé (en tenant compte des apports de l’association de solidarité de Grenoble et de Mesdames VILLEROUX et FERRIERES ainsi que du solde attendu de la subvention du Conseil Général de la Savoie), soit 4.900 $ (107.800 cordobas), réaliser en premier lieu le projet de mini cinéma prévu initialement, dont le montant d’investissement (vidéoprojecteur, lecteur de DVD, amplificateur de son, écran) était de 1.400 $ ; → En second lieu, compléter, pour répondre à la demande, le nombre d’ordinateurs du cybercafé ; → Egalement pour répondre à des demandes réitérées d’étudiants devant réaliser leur monographie, acquérir une photocopieuse connectable sur le réseau d’ordinateurs et une plastifieuse de documents ; → Créer un petit magasin de fournitures scolaires et papeterie pour l’approvisionnement des élèves de l’école primaire et les étudiants du quartier à un prix accessible.

Beto et moi-même nous avons rencontré Mme Karen HASKINS, l’une des représentantes de LA BASE au Nicaragua et elle serait prête à étudier le financement complémentaire à l’argent d’ores et déjà disponible. Si tout cela fonctionne avec succès, il y a tout lieu d’espérer pouvoir réaliser ensuite un projet plus ambitieux.

L’occasion nous aussi été donnée de rencontrer M. Jordi Gomez Valls, un catalan dont la fille a épousé un Nicaraguayen et dont le petit-fils est scolarisé au CDI à Managua. Ce monsieur d’une soixantaine d’années, très dynamique (il est chef d’une entreprise de travaux électriques) et très sensibilisé aux questions du développement (il a une autre fille en Inde) se propose de mettre en relation l’université de sa ville de Giron avec la COMUCRIS avec l’idée de développer de nouvelles productions comme des confitures de fruits aux standards internationaux susceptibles d’être vendues au Nicaragua et aussi au Costa Rica voisin avec son importante clientèle touristique.

Renouer avec les habitants du quartier et avec la municipalité de Chinandega

Notre projet initial de centre social nous tient toujours à cœur et ne doit pas être oublié par la création de la coopérative. Mais il ne peut se faire sans les habitants ni l’appui de la municipalité de Chinandega avec qui nous avions passé une convention en 2001 puisque celle-ci avait mis à disposition le terrain nécessaire à la construction.

À notre demande, nos partenaires de la COMUCRIS ont invité les habitants du quartier pour que nous puissions rappeler l’histoire de la Casa comunal et notre souci qu’elle conserve sa vocation, la création et la responsabilité de la coopérative, les projets de cette dernière et notre appel à leur implication active.

Deux réunions ont eu lieu, la seconde avec l’appui du représentant du «Movimiento comunal nicaragüense » .

Plusieurs personnes ont exprimé l’idée qu’il est difficile de consacrer du temps à un projet social sans avoir un retour quelconque sous forme d’une rétribution ou d’une indemnisation financière, ce que, bien entendu, on ne peut que comprendre lorsqu’on connaît la situation de pauvreté dans laquelle un très grand nombre sont obligés de vivre. Espérons quand même les avoir convaincus de faire les premiers pas, de faire part d’initiatives, de mettre à disposition leurs idées et les compétences qu’ils ont certainement sans nécessairement le savoir…

Quant à la municipalité de Chinandega, grâce à l’appui d’Argentina, nous avons d’abord, avec le cadastre et la procurature de la propriété , tenté d’éclaircir la situation du terrain car s’il été mis à disposition par la municipalité de Chinandega en 2001, juridiquement, il appartient toujours à l’Etat du Nicaragua après la réforme agraire et foncière des années 1980. Espérons que le dossier avancera malgré le grand nombre de demandes du même type.

Ensuite, en commun avec nos partenaires de la coopérative nous avons rédigé un courrier au maire pour lui rappeler l’histoire de la Casa comunal jusque et y compris la création de la coopérative et du cybercafé et les caractéristiques de son fonctionnement du point de vue financier, organisationnel et humain. Un des objectifs du courrier était d’obtenir l’exonération des impôts fonciers en conformité avec la loi nicaraguayenne sur les coopératives de 2004, mais notre objectif principal aura été atteint si nous sommes parvenus à convaincre M. le maire de Chinandega et son conseil municipal que la coopérative, composée de nombreux jeunes, mérite d’être appuyée dans ses initiatives et que la Casa comunal reste un projet vivant et le lieu le plus indiqué pour travailler avec la population sur l’aménagement et l’amélioration du quartier….