Nouvelles de Chinandega

– Centre social de quartier « Casa comunal San Cristobal » et coopérative COMUCRIS

Evolution du projet, un an après notre visite de 2011 et après ma conversation vidéo téléphonique (grâce à Skype) avec Humberto (Beto) Alvarado du 19 octobre 2012 - par Joseph Mougel, trésorier de INTI,

--- Nous sommes allés au Nicaragua, Ruth, sa sœur Heidi, et moi-même en août/septembre 2011 et je vous en ai fait le récit en vous exposant ma vision de la problématique à affronter par la « Casa comunal San Cristobal ».

Voici, selon moi et après ma conversation avec Beto, où nous en sommes aujourd’hui.

Rappel : de la « Casa comunal » à la coopérative COMUCRIS – les espoirs mais aussi la problématique soulevés par une telle évolution

Rappelons en effet que la « Casa comunal » fut pensée par nos partenaires et par nous mêmes comme un centre social de quartier, c’est à dire comme le lieu pourrait s’organiser des activités en faveur des enfants, adolescents et adultes dans le domaine de la santé, de la culture, de l’expression artistique, de l’estime de soi, en bref pour que les habitants se sentent bien là où ils vivent. C’est ainsi qu’elle a été construite et ouverte en 2001 et a fonctionné jusqu’en 2009 sous l’égide d’une association sans but lucratif, le «Comité Probienestar Comunal » lui-même affilié au « Movimiento comunal Nicaragüense », ce pour bénéficier de la personnalité juridique de ce dernier car au Nicaragua celle-ci est attribuée par le Parlement sur sollicitation auprès d’un député, d’où une procédure particulièrement lourde. Pour couvrir ses frais de fonctionnement, la « Casa Comunal» n’a eu pour ressources durant toute cette période, en dehors de l’apport réduit des bénéficiaires des activités, que les intérêts du microcrédit dont nous avions apporté le capital en 1999 afin de favoriser la création de petites activités économiques dans le quartier. En effet au Nicaragua, les ressources de l’Etat et des 153 municipalités sont pour le moment trop faibles pour apporter des subventions de fonctionnement à des projets comme celui-là. Par ailleurs, il s’est créé et maintenu un atelier d’art plastique pour enfants grâce à l’appui de l’association de Saint-Michel de Maurienne « Constellation, l’art pour faire grandir et relier les enfants ».

En 2004, le Parlement du Nicaragua a adopté une loi sur les coopératives tout à fait conforme à l’esprit du mouvement coopératif international et à ce qu’on appelle en France l’économie sociale et solidaire. Tous ceux qui se réclamaient du sandinisme et qui, souvent, après la défaite électorale de 1990, avaient continué à agir dans cette direction au sein d’ONG qu’ils avaient créées à cet effet avec l’appui d’organisations amies en Europe, se sont mobilisés pour que cette loi voie le jour et se sont organisés pour qu’elle entre concrètement en application. Il en fut ainsi notamment du CIPRES fondé par Orlando NUÑEZ ancien directeur de l’organisme d’Etat de la réforme agraire CIERA jusqu’en 1990. C’est le CIPRES, grâce à notre ami Javier PASQUIER et, sur le terrain, à l’agent de développement Mme Ada SOZA, qui a permis que la construction de la « Casa comunal » soit menée à bien en 2001.

En 2007, Daniel ORTEGA, leader de la révolution sandiniste de 1979, est élu à nouveau Président de la République du Nicaragua et entre en fonction début 2008. La politique de développement des coopératives, comme alternative démocratique à l’exploitation purement capitaliste, peut désormais se déployer et se généraliser avec l’appui de l’Etat et sans entrave. Ada SOZA qui avait conservé de bonnes relations personnelles avec le «Comité Probienestar Comunal » et notamment avec sa présidente Mme Gelsomina SANCHEZ, propose donc une formation dans cet objectif notamment à la nouvelle génération de jeunes qui avaient commencé à s’investir au sein de la «Casa comunal » à partir de 2004. Les interlocuteurs d’Ada SOZA sont séduits par ces perspectives et ils décident donc de créer la coopérative multiservices COMUCRIS avec 25 sociétaires et son siège social dans la « Casa comunal » et destinée à remplacer désormais le «Comité Probienestar Comunal ». La coopérative est immatriculée au registre de l’INFOCOOP à la fin du mois de novembre 2011.

À titre personnel, j’ai appuyé cette initiative, car je pensais à la nouvelle génération de la « Casa comunal », qui était majoritairement composée de jeunes gens ayant fait des études à l’université mais ne trouveraient probablement pas de travail correspondant parmi les entreprises ou organismes de la ville. Face à cette situation, il y avait un espoir que la coopérative leur permette de créer leur propre activité. J’étais par ailleurs convaincu de l’intérêt de l’économie sociale et solidaire pour face à la « crise » structurelle au Nicaragua et, depuis 2008, également de plus en plus présente aux USA et en Europe avec un caractère autant social qu’économique.

Mais la grande insuffisance de la formation dispensée par Ada SOZA fut, me semble-t-il, d’être restée essentiellement au niveau des principes et des espérances, mais sans s’attaquer vraiment à la question de la faisabilité, des ressources humaines (qui parmi les sociétaires pourra agir, fera quoi, quand, en contrepartie de quelle rémunération ?), matérielles et financières disponibles, à la planification et à la durabilité.

Malgré tout, une fois créée, la COMUCRIS a fait preuve d’un certain dynamisme. C’est d’elle qu’est venue l’idée de créer un cybercafé avec un centre d’appel téléphonique pour que les habitants du quartier puissent joindre leurs proches émigrés ainsi qu’un mini – cinéma. C’est elle - en pratique Beto et ses proches – qui a fait l’évaluation de la dépense ainsi que des recettes potentielles.

De mon côté, j’ai pris en charge le dossier de demande de subvention auprès du Conseil Général de la Savoie après instruction de Pays de Savoie Solidaires. Sur un investissement de 7.143 € (9.569 $) pour le cybercafé et de 1.045 € pour le mini cinéma, le Conseil Général a accordé en juillet 2010 une subvention de 2.000 € et le complément a été apporté par INTI.

Une fois le financement assuré et toujours avec le même dynamisme, la COMUCRIS a consulté les fournisseurs de matériel informatique, de la connexion téléphonique et Internet ainsi que les artisans pour l’aménagement du local en mobilier, le faux plafond, l’installation électrique, les ventilateurs etc… Elle a passé les commandes, puis surveillé et réceptionné les travaux.

Ainsi 14 mois après la création de la coopérative, le cybercafé et le centre d’appel téléphonique ont été ouverts le 14 février 2011 et nous avons pu le voir en fonctionnement lors de notre voyage.

Entretemps, Beto et ses proches avaient peint en gros sur la façade de la « Casa comunal » le nom de la coopérative ainsi que celui d’INTI avec notre logo. Ils ont mis également perpendiculaire à la rue pour qu’elle soit bien visible des passants une enseigne pour le cybercafé « France’s Friends Cyber ». Mais, dans l’esprit de nos correspondants, la notion initiale de « Casa comunal », de centre social de quartier, était, de fait, passée au second plan… Comment aurait-il fallu faire ? Ai-je trop cru personnellement à l’ « entreprise coopérative » ? Aurait-il fallu attirer davantage l’attention sur une possible dérive ? Ce sont les questions que je me pose à présent… La passation de l’héritage – le microcrédit

Les recettes d’intérêt du microcrédit ayant permis le fonctionnement de la Casa Comunal pendant 8 ans, il reste théoriquement essentiel dans les sources de financement de la coopérative. Beto, ayant fait des études dans ce domaine, a fait un contrôle et a découvert que, Mireya, la responsable de ce dernier depuis 2001 - devenue sociétaire de la coopérative – ne parvenait pas à justifier la différence entre le solde théorique en caisse et le solde réel et que par ailleurs, elle s’était accordé à elle-même un prêt - relativement - important sans l’avoir remboursé. Mireya a donc cessé ses fonctions et un autre sociétaire, Juan Alberto, a donc pris sa suite comme responsable du microcrédit.

Cependant, si, comme l’a fait Beto, contrôler la correspondance entre la comptabilité et réalité en trésorerie était indispensable, cela n’était pas suffisant pour avoir une opinion sur le fonctionnement réel du microcrédit et connaître sa contribution au financement de la coopérative. Dans mon récit de voyage, j’ai raconté l’audit que nous avions commencé à faire du risque non remboursement de la part des emprunteurs du microcrédit, car le taux d’intérêt étant malgré tout assez élevé (même s’il est tout à fait comparable à celui d’autres organismes de microcrédit), il fallait se méfier du fait certains emprunteurs puissent tomber dans le surendettement. L’élément de base d’un tel audit est d’établir ce qu’on appelle une « balance âgée » c’est-à-dire de classer les sommes dues par les emprunteurs selon l’ancienneté de la créance, car bien entendu plus une créance est ancienne plus les chances d’être remboursé se réduisent. Après mon retour en France, je leur ai envoyé un tableau Excel permettant d’obtenir automatiquement une telle balance simplement après avoir renseigné les créances sur les emprunteurs les unes après les autres

Malheureusement à ce jour et malgré plusieurs rappels de ma part, je n’ai pas eu de réponse et je suis donc dans l’incapacité d’estimer quelles sont les recettes potentielles provenant des intérêts du microcrédit – une fois déduites une provision éventuelle pour créances douteuses et/ou une perte pour créances définitivement irrécouvrables – et leur contribution éventuelles aux coûts de fonctionnement de la coopérative.

Cela dénote-t-il de la part de Juan Alberto et de Beto qu’ils n’ont pas compris réellement une telle démarche et son intérêt pour établir un budget prévisionnel ?




Le cybercafé, son fonctionnement du point de vue financier et les motivations de ses utilisateurs

C’est uniquement pour le cybercafé que nous avons des éléments financiers récents car il semble que c’est sur lui que la COMUCRIS compte pour financer les coûts de fonctionnement du bâtiment et les indemnisations.

Depuis son ouverture à la mi. février 2011 jusqu’au 30 septembre 2012, les résultats globaux sont les suivants en moyenne mensuelle, en excluant la première quinzaine de fonctionnement, soit sur une durée de 19 mois :

En cordobas (C$) en Euros

Par mois par mois

o Recette moyenne de fonctionnement ………………… 8.973 C$ 320 €

o Dépenses de fonctionnement : o Indemnisation des animateurs ………………………. 2.901 C$ 104 €

o Autres dépenses …………………………………….. 5.333 C$ 190 €

--- Total des dépenses de fonctionnement …………. 8.234 C$ 294 €

Excédent brut avant amortissement …………….. 739 C$ 26 €

Amortissement de l’investissement …………….. 1.510 C$ 54 €

Déficit moyen après amortissement …………… -771 C$ -28 €

Pour les calculs ci-dessus, j’ai pris sur la période la valeur médiane suivante : 1 US$ = 22 C$ et 1 € = 1,28 $, soit 1 € = 22 C$ x 1,28 = 28 C$. Les investissements du cybercafé sont amortis sur 10 ans pour ce qui concerne le mobilier et l’installation électrique et sur 6 ans pour ce qui concerne le matériel.

Il résulte de ces données que si le cybercafé est excédentaire avant amortissement, il est déficitaire après, ceci certainement parce qu’auparavant le microcrédit était appelé à financer les coûts de fonctionnement généraux de la « Casa » alors que semble-t-il ces derniers sont imputés intégralement au cybercafé…

Je vais donc de nouveau attirer l’attention de mes correspondants sur la nécessité d’avoir non seulement une comptabilité analytique mais aussi une comptabilité intégrée pour avoir une vision d’ensemble et permettre de faire un budget prévisionnel.

À noter que le cybercafé indemnise les personnes assurant la permanence (à ma connaissance Juan Carlos et Beto) à raison de 3.000 C$ par mois soit 1.500 C$ par personne (54 €). Ces derniers ont reçu en décembre 2011, à titre de 13ème mois, 5.000 C$ soit 2.500 C$ par personne (89 €) et Dona Gelsomina , présidente de la coopérative 1.000 C$ (35 €). La moyenne mensuelle des indemnisations des deux responsables du cybercafé est donc de 1.708 C$ (61 €), mais elles reste très inférieure au salaire minimum des employés de l’Etat et des municipalités du Nicaragua (2.876 C$ soit 103 €) alors que ce dernier est le plus faible du pays en dehors de l’agriculture. L’indemnisation mensuelle est même plus faible que le salaire minimum agricole de 2.274 € (81 €).

De plus ces indemnisations ne sont pas soumises aux cotisations de l’INSS, Institut Nicaraguayen de Sécurité Sociale de 15 %. C’est une économie seulement apparente (jusqu’à un prochain contrôle ..?) car, en contrepartie, les intéressés ne bénéficient pas des droits correspondants. Ceci n’est pas le moindre des soucis…

Rappelons que le salaire minimum français est au 1er juillet 2012 de 9,40 € de l’heure soit 1.426 € brut par mois pour un temps complet. Il est donc près de 18 fois plus élevé que le salaire minimum agricole du Nicaragua et plus de 23 fois plus élevé que les indemnisations versées par le cybercafé, notamment à Juan Carlos et Beto…

Lors de notre conversation Beto m’a dit que le prix demandé aux utilisateurs du cybercafé était l’un des moins chers de la ville. Ceci peut se comprendre au vu du niveau de vie des habitants du quartier… Cependant ce prix n’est-il pas trop faible ? Juan Carlos utilise-t-il autant qu’il pourrait le logiciel de gestion de cybercafé dont il dispose et qui lui permet, par exemple, de savoir pour un appel téléphonique à l’étranger quel est le coût supporté et de le comparer avec la recette qu’il encaisse ? J’attirerai de nouveau l’attention sur ce point, car il ne me semble pas soutenable que le cybercafé ne couvre pas, au minimum, les coûts qu’il supporte.

Les choses de l’économie sont décidément très dures et ne permettent pas d’être irréaliste… La prévision initiale des recettes mensuelles du cybercafé était de 38.604 C$. Après 20 mois de fonctionnement, donc, on peut le dire, désormais en vitesse de croisière, les recettes mensuelles sont de 8.973 CS soit ¼ de la prévision.

Quant à l’objectif du cybercafé, il était double : 1° permettre l’accès au TIC (technologies de l’information et de la communication) 2° éducation et apprentissage : connexion aux bases de données et aux encyclopédies, écriture de textes, de monographies, apprentissage des langues et des mathématiques… Le premier objectif a été atteint sans difficulté et nous en avons la preuve par le fait que nos correspondants ont presque tous un profil Facebook. Le second est plus compliqué… L’usage majoritaire semble être le loisir, la détente, le visionnage des photos et des films. La grosse majorité de ce qui circule sur internet ? Comment ne pas le comprendre même si on le regrette…

Les projets de la coopérative qui ont été abandonnés et ceux qui sont toujours en cours

En relation avec la fondation LA BASE basée à New York se consacrant au financement de coopératives de production en Amérique Latine, il avait été envisagé « La Distribuidora la Unidad », c’est-à-dire une distribution dans le quartier de produits agricoles émanant du département de Chinandega (grains de base et autres produits) fournissant de la sorte des débouchés nouveaux et sûrs aux agriculteurs et un approvisionnement régulier aux habitants. Ce projet nécessitant un investissement de 25.000 $ - non compris un véhicule - et un espace de stockage actuellement inexistant, ce projet a été abandonné.

Cependant, LA BASE aurait été disposée à étudier le financement de micro-ordinateurs complémentaires pour le cybercafé, d’une photocopieuse connectable et d’une plastifieuse, notamment pour faciliter l’élaboration par les étudiants de leurs monographies.

Selon ce que m’a dit Beto, la COMUCRIS ne semble pas avoir suivi cette possibilité et avoir maintenu des contacts avec LA BASE. Je trouve cela regrettable…

La mise en relation entre l’université de Giron en Catalogne et la COMUCRIS que M. Jordi Gomez Valls avait proposée n’a pas pu être suivie d’effet, en raison de la très sévère restriction des crédits publics en Espagne, pays qui connaît, rappelons-le, un chômage record, notamment pour les jeunes.

Depuis l’origine, il était prévu de créer un mini cinéma pour diffuser des vidéos, notamment éducatives, ce que permet facilement de nos jours le support des DVD, l’investissement se limitant à un projecteur vidéo et à un écran puisque l’équipement informatique est disponible. Rappelons que la ville de Chinandega avec ses 85.500 habitants en zone urbaine n’a plus aucun cinéma depuis plusieurs années.

En 2010, l’investissement était évalué à 1.400 $ (1.045 €) dont 850 $ (60 %) pour le vidéoprojecteur. Une fois financé le cybercafé nous avons envoyé une somme bien supérieure soit 4.333 $ (102.891 C$) ce qui permettait de réaliser l’investissement et de compléter également l’équipement du cybercafé (notamment pour acquérir la photocopieuse connectable) et le cas échéant compléter ou modifier l’aménagement des locaux.

Heidi, sœur de Ruth qui nous a accompagnés l’an dernier a suggéré que le vidéoprojecteur soit installé de manière définitive au plafond de la grande salle de la « casa » comme c’est le cas dans les salles de classe ou les médiathèques en Europe…

Avant même de faire cet investissement, l’utilisation éducative et sociale du mini cinéma pouvait être expérimentée en faisant appel, par exemple, à une commissaire de police spécialisée dans les violences faites aux femmes et, en général, dans les violences intrafamiliales, celle-ci disposant de films vidéos consacrés à ce thème et de l’équipement pour les projeter et étant formée pour animer des débats à ce sujet. Nous avons suggéré que la COMUCRIS écrive à cette commissaire de police et fasse l’information de la population. Nous attendons…

Les nouvelles initiatives de la COMUCRIS

Elles sont de deux ordres : sa participation à un mouvement national de soin à l’environnement par la reforestation, sa collaboration avec une entreprise commerciale en mettant à sa disposition des locaux à usage de bureau et du personnel administratif.

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o Formation à la reforestation et plantations

Heureusement et peut-être plus que d’autres pays en développement, le Nicaragua est de plus en plus sensible à la nécessité de préserver ses ressources naturelles et à la beauté de ses paysages pour les générations à venir et pour prendre sa part à la lutte contre le réchauffement climatique. Avec l’appui technique et financier du Venezuela au sein de l’ALBA (Alliance Bolivarienne pour les Amériques) au travers de la CARUNA (Caisse centrale d’épargne et de crédit agricole) il a conçu tout un programme formation coopérative, de sensibilisation à l’environnement et de reforestation comprenant la production de plants d’arbres de bois précieux tel que l’acajou ou le guanacaste (arbre d’Amérique Centrale pouvant devenir gigantesque, de la famille des légumineuses), la formation de jeunes gens à partir du lycée et la plantation effective par ces derniers sur le terrain. Plusieurs sociétaires de la COMUCRIS ont participé activement à ce programme, notamment pour replanter des arbres le long du rio Acome qui traverse la ville et la « casa » a servi de lieu d’entreposage des plants.

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Beto m’indique qu’une nouvelle opération de reforestation est envisagée prochainement.

o Aménagement d’une partie des locaux à titre de bureau pour une entreprise du quartier et mise à disposition de personnel administratif et comptable

Cette entreprise est la PERMINAS SA. Nous ne connaissons pas exactement son secteur d’activité, mais son nom fait penser qu’elle agirait dans le secteur minier, ce qui est peut-être lié au fait que Yudith, une des sociétaires de la coopérative a son activité professionnelle comme ingénieure civile à la mine d’or El Limon située non loin dans la chaine des volcans Los Maribios. Cette entreprise verse un loyer de 100 € par mois à la COMUCRIS (soit 2.200 C$ ou 80 €) ce qui représente de l’ordre de 25 % des revenus du cybercafé. Elle emploie en outre 2 sociétaires - dont Beto à la comptabilité - mais nous ne savons pas dans quelles conditions d’horaires et de salaires.

Les relations de la coopérative avec la municipalité de Chinandega et les habitants du quartier

Recréer les liens avec la municipalité de Chinandega, renouer avec les habitants du quartier et maintenir l’idée du centre social furent nos grandes préoccupations lors de notre voyage de l’an dernier.

La Casa comunal avait pu se construire sur un terrain mis à disposition par la ville de Chinandega et après qu’une convention ait été signée entre la Municipalité de Chinandega et le Comité Probienestar Comunal du quartier, cette convention portant également la signature de notre association INTI.

Il était prévu alors que la municipalité apporte son concours pour que le projet soit une réussite. Le Comité Probienestar avait son autonomie de gestion mais devait rendre compte de son activité tous les 6 mois. Il devait se créer une cantine pour 50 enfants de moins de 6 ans, et il était prévu de suivre le microcrédit, d’organiser des ateliers de formation professionnelle ainsi que des activités de loisirs pour les enfants ainsi que des activités culturelles et musicales.

Cependant, si la municipalité a donné son autorisation de construire, en donnant l’usufruit du terrain sans limitation de temps au Comité Probienestar, pour autant elle n’en était pas elle-même propriétaire. Celui-ci était entre les mains de l’Etat du Nicaragua et ce dernier devait effectuer le transfert à la municipalité.

Dix ans après le protocole, si le cadastre est désormais informatisé, le transfert prévu n’a toujours été réalisé par la procurature générale de la République et cela crée une insécurité juridique pour la COMUCRIS. Les contacts semestriels avec la municipalité ne sont jamais devenus effectifs et le grand projet de cantine n’a jamais vu le jour.

Cependant, la municipalité a demandé l’impôt foncier ce qui pèse sur le budget (7.440 C$ pour 3 années) alors que la loi sur les coopératives de 2004 prévoit l’exonération. Pendant notre séjour, nous avons donc Beto et moi-même rédigé une lettre à la municipalité afin de « renouer les fils » avec l’objectif principal – outre d’obtenir des économies sur le budget par la suppression des impôts locaux - de renforcer la COMUCRIS en tant qu’institution reconnue aux yeux des pouvoirs publics comme de la population.

Cette reconnaissance institutionnelle est très importante car dans un pays pauvre comme le Nicaragua, elle ne va pas de soi, de même que ne va pas de soi la reconnaissance et la valorisation du travail désintéressé. Dans la décennie 1980/1990, le gouvernement sandiniste avait fait preuve d’un fort volontarisme dans les domaines éducatif , social et culturel. Des « casas communales » furent construites à cet effet dans les campagnes et dans les quartiers déshérités ders villes, mais après la défaite électorale de 1990, faute de soutien public et de financement, elles ont perdu leur rôle et leurs ressources et il y a plusieurs exemples où elles ont été soit détruites petit à petit soit transformées - sans droit ni titre - en maison d’habitation par l’un ou l’autre famille du quartier.

Dans sa lettre du 24 février 2012, Beto nous dit que lui et les autres jeunes de la COMUCRIS ont essuyé des critiques malveillantes de la part des habitants leur disant qu’ils s’appropriaient la « casa » et se réservaient à eux seuls « les bénéfices » de la coopérative.

Il semble que les intéressés vivent très mal ces critiques et que cela tend à les paralyser dans leurs initiatives. J’ai observé moi-même la réalité de cette difficulté lors de deux réunions avec la population en août dernier. Plusieurs personnes se réclamant pourtant du sandinisme et proches des jeunes de la coopérative, ont clairement dit qu’elles ne voyaient pas pourquoi elles prendraient des initiatives et consacreraient du temps à la Casa comunal si personne ne les payait…

Pour surmonter ce blocage, j’ai donc pris l’initiative fin janvier 2012 d’écrire une « lettre ouverte aux sociétaires de la COMUCRIS et aux habitants du quartier ». Après avoir rappelé l’histoire de notre implication dans ce quartier, nos motivations et nos ressources, j’ai fait des suggestions pour relancer le processus en liaison avec les institutions existantes - l’école primaire locale et la municipalité – et avec ce que j’ai appelé les « forces vives » de la ville et du quartier.

Dans cette lettre j’appelais également tous les 25 sociétaires de la COMUCRIS - même ceux qui étaient en études ou au travail par ailleurs - et pas seulement 4 ou 5 personnes à faire preuve d’imagination, de créativité et d’engagement.

Comme nouvelle activité, j’ai proposé qu’ils étudient un projet de « tourisme solidaire » sachant qu’il existe en Europe et ailleurs de plus en plus de personnes disposées à voyager dans un tel cadre.

J’ai également eu des contacts avec Heydi SALAZAR, jeune femme originaire du quartier, qui a fait des études de journalisme à l’UCA mais qui se montre également très créative dans la photo, et le cinéma puisqu’elle a réalisé plusieurs courts métrages. Elle est à l’origine d’un festival culturel « Nicaragua 180° » qui s’est déroulé dans le centre ville avec projection de courts métrages, exposition de photos, un concert et la réalisation d’une fresque collective. Elle a aussi organisé une course à pied dans la ville en hommage à une athlète originaire de Chinandega qui avait participé aux Jeux Olympiques de Munich en 1972…

Cependant Heydi est retournée en Espagne où elle avait déjà passé plusieurs mois, ceci comme de nombreux Nicaraguayens à la recherche de meilleures opportunités …. Cet exil des personnes les mieux formées et les plus créatives est bien l’une des difficultés importantes que doivent affronter des pays en développement comme le Nicaragua … Notre amie Argentina PILARTE qui exerce la profession d’avocat et de notaire public dans le quartier mais qui est aussi étudiante à l’université en 4ème année de psychologie a réagi favorablement. Elle propose d’organiser des conférences - débat à partir d’un film pouvant utiliser l’équipement du mini cinéma (une fois l’investissement réalisé) mais aussi de donner – avec d’autres étudiants de sa promotion – des consultations au bénéfice des enfants rencontrant des difficultés d’apprentissage ou de relations au sein de leurs familles, voire de maltraitance.

J’ai demandé à l’Université de Chinandega UACH d’écrire en tant que telle une lettre de sollicitation à la coopérative COMUCRIS ce qui sera de nature à rassurer cette dernière : elle sera reconnue officiellement et de plus un contrat déterminera l’objectif poursuivi les conditions concrètes d’utilisation des locaux. Nous attendons…

Quant à la municipalité de Chinandega, elle ne semble pas avoir donné suite pour le moment. Les élections municipales ont lieu le 4 novembre prochain avec un nombre plus important de conseillers municipaux à élire selon une loi récente. Le futur maire et son conseil ont un grand territoire à gérer - 687 km2 - dont une partie notable en zone rurale où habite 30 % de la population. On peut espérer qu’après avoir pris connaissance de tout cela, ils s’intéresseront de plus près au quartier et réactiveront les relations avec la « Casa comunal » et la coopérative COMUCRIS.

Des progrès dans le quartier

Grâce à la caméra de Skype, Beto m’a montré que des ouvriers étaient en train de paver la rue devant la Casa communal ce qui était attendu depuis de nombreuses années… Indubitablement la vie s’améliore.

Conclusion

Voilà donc où nous en sommes… La COMUCRIS doit affronter des pesanteurs extérieures à elle mais aussi internes en particulier le fait qu’un trop grand nombre de sociétaires ne participent guère à la réflexion et à l’action,laissant quelques personnes, dont Beto, affronter seuls le problème de la stratégie à suivre, du budget et des financements à trouver. Je trouve par ailleurs qu’il manque à une jeune coopérative comme celle-là et qui de plus n’est pas dans la production agricole mais dans le service, un véritable appui de la fédération FECODESA dans le domaine de la planification, du logiciel et de la méthode comptable, de l’audit et du budget. Pour le moment, la fédération ne semble pas avoir organisé un tel service de conseil.

Malgré toutes les facilités d’internet, accomplir une telle tâche à distance est difficile. Je poursuis cependant avec l’espoir que les choses s’éclairciront bientôt.

Le 1er novembre 2012

Joseph Mougel