Honduras

Les enfants de la mauvaise herbe. Pour Berta Caceres

Olivier Herrera Marin

« Dans nos cosmovisions nous sommes des êtres surgis de la terre, de l’eau et du maïs. Des rivières nous sommes des gardiens ancestraux, de plus le peuple Lenca est protégé par les esprits des filles qui nous apprennent à donner la vie sous de multiples formes, défendre des rivières signifie donner la vie pour le bien de l’humanité et cette planète »

Paroles de Berta Caceres à la réception du Prix Goldman, 2O15

La Terre est la mère féconde de tous les femmes et les hommes. Au commencement il y avait le soleil et la terre, les mers et le vent, la pluie et les rivières, puis vinrent la semence et le feu, le lait et le pain de maïs. Et les femmes ont donné naissances à des filles et des fils qui se sont dispersés en long et en large de la Pacha Mama peuplant toutes les terres, les vallées et les montagnes de la Terre.

Les fils de la mauvaise herbe volèrent les terres et l’eau de leurs ancêtres au peuple Lenca et posèrent des barrières et des fils de fer barbelés et électriques pour les délimiter et dire « cela m’appartient » Les fils de la mauvaise herbe veulent arrêter le cours des rivières et mettre en cage le chant des oiseaux, ils veulent faire taire le murmure de l’eau. Les fils de la mauvaise herbe ignorent que nos vies sont les rivières qui vont à la mer, comme le disent les vers de Jorge Manrique lors de la mort de son père. Les fils de la mauvaise herbe ont assassiné Berta Caceres le trois mars 2016 et ils ne l’ont pas tué : Hier, le 8 mars, journée internationale de la femme Berta Caceres a été le symbole et le drapeau de la résistance au Honduras et à Buenos Aires, à La Paz et à Lima… en Amérique Latine et partout où bat un cœur généreux et lutte une femme courageuse. Berta est aujourd’hui la femme qui a tout donné pour défendre la terre, la dignité et la vie du peuple Lenca et le futur de ses fils ; Berta est aujourd’hui plus que jamais la voix des sans voix qui se lèvent en défendant la rosée des étoiles et les sources de la vie. Berta est vivante et continuera à vivre tant que les poissons nageront dans les rivières, tant que les arbres pousseront dans la forêt, tant que fleuriront les orchidées et voleront les papillons bleus et les colibris émeraudes au Honduras.

Berta coordinatrice du Conseil des peuples indigènes du Honduras COPINH savait ce qu’elle faisait et le danger qu’elle encourait, en pleine responsabilité de ses paroles et de ses actions de protestation PACIFIQUE, elle n’a jamais baissé les bras, elle ne s‘est pas laissé intimider au moment de s’affronter avec ses mains nues et la force de la raison à la raison de la force, la violence et la mort de ceux qui rasent les forêts et empoisonnent la terre et l’eau, des entreprises d’exploitation forestière, d’extraction minière et d’énergie hydroélectrique avec leurs projets de Agua Zarca et DESA sur la rivière Gualcarque. Berta, TOI, tu t’es affrontée ouvertement en 2013 au projet des Etats-Unis d’installer la plus grande base militaire d’Amérique Latine au Honduras. Et TOI, tu as dénoncé l’attribution de 3 millions d’hectares terrestres et maritimes à la Multinationale de gaz et de pétrole, la British Gas Group.

Tu n’es pas morte, mais tu es allée loin pour être la conscience indestructible du peuple Lenca et illuminer les rivières et les sentiers des forêts impénétrables. L’ombre étendue des multinationales et leur bras assassin, celui de la malsaine CUPIDITE, ne pourront venir à bout de ta large vie, de la lumière bleue des Caraïbes qui émanent de tes yeux, ni du magma qui jaillit de la terre en écho de ta voix tellurique
.

Fille du soleil, de la terre, de la pluie et de l’éclair, mère, source éternelle de vie et sagesse ancestrale, nous les poètes de la terre, faisons le sermon d’honorer ton nom et ta mémoire ; notre voix est la tienne, nous suivons et suivrons les traces de ta noble lutte, ouvrant de nouveaux chemins et le cours naturel des rivières ; aussi longtemps qu’il y aura des nuages et le souffle du vent, que tombera la pluie, poussera l’herbe et nicheront les oiseaux, que s’aimeront les dauphins et les baleines bleues, TOI, Berta, tu sera LA GRAINE.

Berta Caceres

Voir aussi sur le site REPORTERRE, l’article très complet de Elisabeth Schneider du 21 mars 2016

« Au Honduras, les assassinats de militants écologistes se multiplient. »