Quand les mensonges gagnent et se convertissent en réalité acceptée.

De Giorgio Trucchi – 31 -5 - 2018

La mobilisation « bleu et blanc » du 30 mai pour les mères des victimes des affrontements a été gigantesque. Parallèlement le gouvernement a convoqué les militants sandinistes à une célébration pour la fête des mères. Là aussi, il y eut foule, mais tous n’arrivèrent pas à la destination. La caravane de bus venant du nord du pays fut attaquée par des inconnus en armes.

Pendant que la marche « bleu et blanc » arrivait sans problèmes majeurs à destination à la UCA (Université d’Amérique Centrale – université jésuite), à moins d’un km de là, le président Ortega terminait son appel à la paix. C’est à ce moment que des groupes de manifestants « pacifiques » se sont approchés du nouveau stade national de baseball, et sont entrés en contact avec des jeunes sandinistes qui revenaient d’une activité. On voit alors sur les photos prises comment ces manifestants « pacifiques » chargèrent les armes et commencèrent à tirer, attaquant les installations du stade et les policiers qui protégeaient les lieux. Il y eut des morts et des blessés des deux côtés, dont deux jeunes militants sandinistes. L’affrontement dura de longues minutes, ensuite les groupes de l’opposition se sont retirés vers l’UCA où de milliers de personnes se trouvaient tranquillement. Et pendant que les premières barricades se levèrent près de l’université des Ingénieurs (UNI) à quelques centaines de mètres du stade, la plateforme « SOS Nicaragua » et d’autres similaires s’est se sont mis à occuper envahir l’espace médiatique et les réseaux sociaux de mensonges, enlevant aux médias officiels la possibilité de dire ce qui s’était réellement passé, transformant une fois de plus le Nicaragua en prisonnier d’une réalité fictive.

C’est la panique. Des milliers de personnes courent dans tous les sens, beaucoup se réfugient dans la UCA. Il y a des morts et des blessés.

Les mêmes manifestants « pacifiques » s’attaquent alors de nouveau à la radio officielle « Nueva Radio Ya », brûlent, saccagent et détruisent ce qui restait. Après ils passent à la Caja Rural Nacional (CARUNA), la coopérative qui a administré pendant des années les fonds de l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques) pour des les projets sociaux dont de des milliers de familles ont bénéficié. Ils attaquent les installations et brûlent tout, des véhicules en stationnement compris. Pas encore satisfaits, ils s’attaquent au siège du Ministère de l’Economie Familiale.

D’autres saccages ont lieu à Masaya, à Estelí etc. Mais peu qu’importe, la réalité virtuelle est la plus forte. Les médias nationaux et internationaux, les associations des droits humains, les recteurs d’universités et jusqu’aux évêques de la Commission de médiation en charge du Dialogue National reprennent et diffusent sans chercher à vérifier (sans la moindre preuve) ce qui arrive dans leurs portables ou ordinateurs en provenance de SOS Nicaragua et Nicaragua SOS : on assiste à un massacre en règle du gouvernement.

Personne ne mentionne qu’il y a des morts des deux côtés, dont des policiers, qu’il y eut des morts lors de l’attaque de la caravane près d’Estelí. Personne ne s’interroge sur ce que faisaient les manifestants armés près du stade à moins de deux pâtés de maison d’où les jeunes sandinistes allaient sortir.

A qui profite le chaos ? On est étonné par le manque d’analyses, non seulement au Nicaragua, mais aussi au niveau international.

Voyons ce qu’il en est : le gouvernement s’est montré disposé à s’asseoir à une table de dialogue, de à permettre l’accès aux organisations internationales des droits humains etc. Et il y a des secteurs de la société civile qui voient le dialogue national comme unique sortie du conflit.

Mais d’autres secteurs de la société civile, des mouvements politiques ultraconservateurs sans représentativité populaire, des secteurs conservateurs de la hiérarchie catholique et de l’entreprise privée, des étudiants émus par les morts etc. qui n’exigent qu’une seule chose : la démission de Daniel Ortega, de son gouvernement et de toutes les autorités publiques légalement élus. En d’autres termes des secteurs qui voient dans le dialogue un obstacle à leur projet de revanche voire de vengeance (il s’agit aussi de cela) Des secteurs qui sont déjà infiltrés par des éléments violents. Je reviens à la question : Qui profite de cette situation de violence et du chaos ?

…… La réponse est si facile qu’il est si absurde que tant de gens tombent dans cette tromperie de science-fiction. Parce qu’il est certain que la prochaine mobilisation de l’opposition sera encore plus grande, plus gigantesque. Et possiblement qu’il y aura aussi plus de « dommages collatéraux »

Suivre ce chemin, pousser un gouvernement et un parti organisé comme le FSLN dans une impasse est dangereux. Il faut retourner au dialogue et laisser une opportunité chance à la paix.