Le couloir sec (el corredor seco) d’Amérique Centrale

Le critère utilisé pour la délimitation du couloir est fondé sur les zones dont la période sèche dépasse 4 mois par an. Il concerne les 5 pays d'Amérique Centrale et Panama.
Cette région est particulièrement affectée par le changement climatique ce qui se traduit non seulement par des longues périodes de sécheresse, suivies de pluies torrentielles et ouragans qui détruisent les récoltes, mais aussi par des tremblements de terre et éruptions volcaniques.

C’est une région d’une longueur de 1.600 km et de 100 à 400 km de largeur.

Ces phénomènes climatiques extrêmes s’aggravent depuis plusieurs années, assèchent des rivières et lacs et causent des incendies de forêts.

Paradoxalement, l’Amérique Centrale n’est responsable que de 0,5% des émissions de gaz à effet de serre, alors qu’elle est considérée comme l’une des plus vulnérables.

Selon les estimations, les températures pourraient augmenter de 4° vers la fin du 21ième siècle et les précipitations se réduire de 14%.

Les organisations humanitaires, le PMA (Programme Mondial pour l’Alimentation) et la FAO (Fonds des Nations Unies pour l’alimentation) attirent l’attention sur le fait que 80 % des habitants de cette région peuplée d’environ 10 millions d’habitants se trouvent dans une grave crise d’insécurité alimentaire, aggravée par la pandémie.

La pandémie a eu un impact très négatif sur les familles paysannes, les journaliers agricoles et les travailleurs informels.

S’il existait déjà plus de 2 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire dans ce couloir sec, leur nombre a doublé et il est passé à plus de 7 millions vers octobre 2020, donc avant le passage des ouragans ETA et IOTA.

L’année 2020 fut particulièrement difficile du fait des records d’ouragans et de tempêtes tropicales.

Dans les conditions actuelles, il s’avère très difficile d’accomplir les objectifs de développement soutenable impulsés par l’ONU pour 2030, c’est-à-dire de mettre fin à la famine en assurant la sécurité alimentaire, d’améliorer la nutrition, de promouvoir l’agriculture soutenable et de garantir la disponibilité de l’eau.

L’un des effets le plus visible de l’aggravation de la situation est la migration massive sous forme de caravanes vers l’Amérique du Nord.

On considère généralement que la pauvreté et l’insécurité sont les principales causes de la migration, mais ces dernières années, les personnes fuyant les effets du changement climatique sont en augmentation.

Les organisations calculent que c’est le cas de 18% des guatémaltèques, de 5% des salvadoriens et de 14 % des honduriens ayant émigré.

Cette région est avant tout peuplée de petits et moyens agriculteurs. Au Nicaragua par exemple 85 % des aliments du pays sont produits par eux.

Pauvreté au niveau national Pauvreté dans les zones rurales

Nicaragua 30% 45
%

Honduras 50% 62
%

Costa Rica 7% 11
%

El Salvador 12% 17
%

Guatemala 46% 58%




Source : CEPALSTAT 2018

Les habitants de ces régions sont donc en majorité de petits paysans qui cultivent les grains de base, comme les haricots rouges, le maïs et le sorgo, qui ont quelques vaches, cochons et poules, pour leur consommation. Ils commercialisent leurs récoltes seulement quand il y a des excédents. Ils complètent leurs revenus parfois en s’engageant comme main d’œuvre saisonnière dans leur pays ou les pays voisins. Ils sont donc très vulnérables, dépendants du climat, de l’accès à l’eau.

En présence de mauvaises récoltes, ils sont souvent contraints de réduire leur alimentation à un seul repas, à vendre leur bétail ou parfois même leur terre et à rejoindre les villes. L’insuffisance de revenus les oblige aussi souvent à faire travailler les enfants.

A titre d’exemple : Une enquête de l’UNICEF au Honduras révèle qu’après la grande sécheresse (2014-2016) 30% des foyers enquêtés dans le couloir sec du Honduras ont été obligés de mettre les jeunes au travail, dans la majorité entre 12 et 17 ans.

Perspectives

Pour diminuer les effets du changement climatique, les pays faisant partie du SICA (Système d’intégration centraméricaine) promurent différentes initiatives, mais celles-ci sont restées largement insuffisantes à cause du manque de financements.

Il s’est agi surtout de diminuer la déforestation, d’améliorer la fertilité des sols, de distribuer des semences mieux adaptées à la sécheresse, de diversifier les cultures, de proposer des formations pour la gestion de l’eau, des sols et des forêts.

Quelques exemples :

Au Salvador, le gouvernement, avec l’appui de la FAO a mis en place un programme de reforestation de 17 000 ha, et d’amélioration de l’alimentation pour 50 000 familles sur quatre ans.

Au Guatemala, c’est avec l’aide de la coopération allemande qu’un projet est en cours pour faire face aux conditions climatiques toujours plus difficiles, par l’attribution de semences accompagnée par des formations.

Dans les zones rurales du Salvador et du Guatemala, l’alimentation quotidienne est fondée avant tout sur le maïs et de haricots, ce qui rend la population très dépendante de ces graines pour leur sécurité alimentaire.

Parmi les alternatives, une pratique ancestrale, le Kuxur Rum (mi tierra humeda en langue Chorti) a été mise en pratique.

Cette pratique d’agroforesterie combine les pratiques agricoles traditionnelles avec la mise en culture de l’arbre de la famille des légumineuses Cliricidia sepium permettant de retenir l’eau et d’augmenter la fertilité en azote. Cet arbre sert aussi de fourrage et le bois peut être utilisé pour cuisiner.

D’autre producteurs ont commencé à diversifier leur activité avec des élevages de lapins, de cailles, en cultivant des fruits et des plantes médicinales.

Avec ces activités, ils ont su mieux résister aux sécheresses des dernières années durant lesquelles jusqu’à 70% des récoltes de maïs ont été perdues.

Au Honduras, l’État favorise l’agro-industrie au détriment des petits agriculteurs. Selon une enquête publiée en février 2021 au moins 2,9 millions de personnes (31% de la population analysée) sont en crise alimentaire et nécessitent des actions urgentes.

Pendant les ouragans ETA et IOTA, 51 000 manzanas (environ 41.000 hectares) semées en grains de base (haricots et maïs) ont été dévastés.

Le Nicaragua n’échappe pas non plus à la réduction de la productivité en raison du changement climatique de la récession économique et des restrictions dues à la pandémie.

Le MEFCCA (Ministère de l’économie familiale, paysanne et coopérative) accompagne depuis plusieurs années les producteurs à diversifier les cultures grâce à l’attribution de semences et l’appui des techniciens. Ce programme concerne un demi-million de familles. Il invite aussi les paysans à donner une plus-value à leurs élevages par exemple de cochons en proposant à la population des repas typiques comme les nacatamales et du chicharron ou en vendant la viande au détail au lieu de l’animal sur pied.

Il fait également, afin d’augmenter les revenus, la promotion de tous les savoir-faire comme l’artisanat, l’élevage de lapins, de cailles, de poissons dans de petits étangs, les plantations de bananes, l’apiculture et il stimule les innovations en promouvant par exemple l’utilisation du bambou.

Régulièrement des marchés paysans sont organisés pour contribuer au budget familial.

Les paysans dont les terrains ont été inondés lors des ouragans ont reçu des semences pour remettre leurs champs en culture.

Le couloir sec est une priorité pour le gouvernement. Le principal problème est bien sûr celui de l’eau car pendant plusieurs années il y a eu de longues périodes de sécheresse. Mais souvent celles-ci alternent avec des très fortes précipitations et il faut donc trouver des solutions pour stocker cette eau.

L’installation de puits avec des pompes s’est révélée efficace, ainsi que des capteurs d’eau dans des citernes au-dessus des toits des maisons. D’autres méthodes sont utilisées : l’arrosage goutte à goutte, la lombriculture qui garde mieux l’humidité de la terre, les clôtures végétales, des fertilisants pour améliorer la qualité des sols.

Pour éviter la déforestation, de plus en plus de paysans utilisent le biogaz pour cuisiner. Et par ailleurs des campagnes de reforestation sont régulièrement organisées.

Remarque personnelle de Joseph : lors de notre dernière visite au Nicaragua en février 2019, nos amis nous ont invité à visiter le CEN – Centro de entendimiento con la naturaleza, (centre de compréhension de la nature) situé sous le massif Peñas Blancas de la réserve naturelle de Bosawas. Ce centre a été fondé par un Nicaraguayen Alan Bolt qui a pris conscience du grave danger de l’assèchement des sources et donc de la disparition progressive des rivières et il a tenté, à sa mesure de contribuer à y remédier par l’expérimentation, la formation des jeunes sur le milieu et l’utilisation durable des ressources (par exemple la production de miel) tout en finançant ce programme par l’accueil de touristes comme ce fut notre cas. Il s’agit bien entendu d’une initiative modeste, mais cependant très intéressante. Vous pouvez en avoir une idée en regardant la page Facebook :

https://www.facebook.com/CentrodeEntendimientoconlaNaturaleza